The Letters of T. S. Eliot, Volume 1: 1898-1922 (12 page)

BOOK: The Letters of T. S. Eliot, Volume 1: 1898-1922
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FROM
Jean Verdenal
 

MS
Houghton

 

Lundi 22 Avril 1912

[Paris]

Mon cher ami,

Une vivace ardeur de soleil de printemps m’a poussé aujourd’hui à sortir dans les bois. Le petit bateau m’a doucement conduit à Saint Cloud entre
les claires et vertes rangées de jeunes feuilles tendres inondées de lumière. Là-bas la poussée printanière était moins éclatante, cristallisée dans les lignes artificielles des grandes allées; décor délicat, presque irréel et, diraisje, féerique, si ce mot n’avait pas été employé à tort et à travers et déformé.

Alors, ce soir en rentrant j’ai pensé à vous écrire, parce que vous me fûtes particulièrement évoqué par le contact de ce paysage senti ensemble.* Excusez mon affreux papier, je n’ai que cela sous la main.

*
Note
. Le paysage n’a cependant que peu evoqué le bon Prichard et votre grand ami Child.
1

Aucun événement special ne m’est arrivé depuis l’an dernier, et peut-être cependant le temps n’a pas été perdu. Je n’ai pas appris grand’chose, ni fait de nouvelles connaissances en Art. Mais j’ai pris conscience de la force de quelques-uns de mes élans; je commence à avoir moins peur de la vie et à voir les vérités moins artificiellement. Je répète souvent les mêmes phrases qu’autrefois mais leur trouve un sens plus intense, plus cuisant. Je m’exprime très mal parce que cela n’est encore pas bien défini. Je suis comme si j’avais toujours vécu à l’aube et comme si bientot le soleil allait paraître. La lumière de mon monde intérieur change: des faces encore obscures s’éclairent (brillerontelles jamais?). Je me sens plus jeune et plus mûr à la fois; j’étouffe dans le nonchalant découragement où j’ai vécu. Voici sans doute le prélude de quelque nouvelle course après l’absolu, et comme les autres fois on se laissera tromper.

Je suis assez intéressé par tout cela. Il est très net que l’ ‘idéal’ est un
élan intérieur
et non une attraction du dehors puisqu’on peut être passionné sans objet. (Seulement nous n’en avons bien conscience que quand il rencontre quelque chose à quoi s’appliquer, tel un rayon de lumière quand il frappe un pan de mur.) Or les hommes tant qu’ils vivront en seront animés (puisque qu’il est inhérent à l’élan de la vie) et l’atteinte d’un but ne pourra l’assouvir puisqu’il préexiste à ce but. C’est ce qui

1) Nous fait croire à une finalité à la vie

2) Fait que cette finalité est inconnaissable.

Et nous avançons, nous avançons toujours.

Excusez mon bavardage, si ça vous embête, sautez par dessus et pardonnez-moi d’écrire au courant de la plume des idées qu’il faudrait vraiment au moins essayer de présenter avec plus de clarté. Ce n’est pas facile de se faire comprendre, et puis d’ailleurs ce n’est pas mon métier. 

A propos, le cubisme est détruit par le futurisme qui proteste contre les musées, etc. et a fait une grande exposition chez Bernheim.
2
Voici des exemplaires de la nouvelle école, à moins qu’une autre encore n’apparaisse pendant que ma lettre traverse la mer. On est offusqué à notre époque par le manque de modestie des gens de lettres et des artistes qui créent des écoles nouvelles tous les six mois, et par leur faiblesse de se mettre à plusieurs pour lutter. Ce mélange de violence et de manque de force n’indique rien qui vaille et nous souffrons de ce que l’art ne soit pas au niveau de notre sensibilité.

Au revoir, mon vieux, écrivez-moi quand cela vous passera par la tête. J’espère que vous faites de belles choses là-bas, et que germent des fleurs radieuses.

Jean Verdenal
3

1–Harrison Bird Child (1889–1944), later an American Episcopal priest, had been with TSE at Milton Academy and at Harvard (Class of 1911).

2–One of the first Futurist exhibitions outside Italy was held at the Bernheim-Jeune Gallery in Paris in Feb. 1912. The term ‘Cubism’, first used by Louis Vauxcelles in 1908, was applied to the work of Picasso and Braques, and by 1911 there were frequent references to a ‘Cubist school’ of painters.

3–
Translation
: My dear friend, A persistent blaze of spring sunshine prompted me to go out into the woods today. The little boat carried me gently to Saint Cloud between translucent green rows of tender young leaves drenched in light. At Saint Cloud, the explosion of spring was less conspicuous, being crystallised into the artificial lines of the great avenues; it was a delicate, unreal scene, even fairy-like, I would say, if that word had not been too much bandied about and distorted.
    So, this evening, when I got back, I thought of writing to you, because you were especially called to mind by the contact with a landscape we appreciated together.*
    *
NB
. However, the landscape only faintly recalled the worthy Prichard and your great friend Child.
    Nothing special has happened to me since last year, and yet the time has not, perhaps, been wasted. I haven’t learned much or acquired any new knowledge of Art. But I have come to realise the strength of some of my aspirations; I am beginning to be less afraid of life and to see truths less artificially. I often repeat the same sentences as in the past, but their meaning now strikes me as being more intense, more excruciating. I am expressing myself very badly, because all this is not yet very clear in my mind. It is as if I had always lived before daybreak and the sun were just about to rise. The light in my inner world is changing: surfaces still dark are beginning to gleam (will they ever shine brightly?). I feel both younger and more mature; I am stifled by the listless discouragement in which I have been living. This is no doubt the prelude to some new pursuit of the absolute and, as on previous occasions, I shall be taken in.
    I am quite interested by all this. It is very obvious that the ‘ideal’ is an
inner impulse
and not an attraction from outside, since it is possible to be passionate without an object. (However, we are only fully aware of the ideal when it encounters something to which it can apply itself, like a ray of light striking a patch of wall.) But men, as long as they exist, will be inspired by it (since it is inherent in the impulse of life itself) and it cannot be appeased by the achievement of any goal, since it existed before the goal. It is this which

1) Leads us to believe that life has a purpose

2) Makes that purpose unknowable.

And so we go forward, always further forward.

Excuse this blather; if it bores you, skip it and forgive me for putting down, just as they occur, ideas that I really ought to try at least to explain more clearly. It is not easy to make oneself understood, and besides it is not my line of business.

Incidentally, Cubism has been destroyed by Futurism, which protests against museums, etc. and has a big exhibition at Bernheim’s. Such are the manifestations of the new school, unless yet another springs up while my letter is crossing the sea. One is shocked these days by the lack of modesty on the part of writers and artists who create new schools every six months, and by the weakness which makes them band together to fight. The mixture of violence and lack of strength is not a good omen and we suffer from the fact that art is not on a par with our sensibilities.

Goodbye, my dear fellow, write to me whenever the thought occurs to you. I hope you are doing splendid things in America, and that radiant blooms are germinating. Jean Verdenal.

 
FROM
Jean Verdenal
 

MS
Houghton

 

Le 26 Août 1912

[Paris]

Mon cher ami,

Depuis un mois rentré de vacances volontairement sportives et hygiéniques, ‘bien douché, bien musclé’, je mène la vie la plus occupée du monde dans un bel entraînement pour concours. Grande mobilisation de tout le peu de médecine que je sais, revue en grand de toutes les questions, astiquage: ce sont les préparatifs au combat; les jours passent dans ce bel entrain.

Et ce soir voici que, sonnant dix heures (toutes les cloches du quartier sonnent et presque en même temps une grêle assez loin bientôt écrasée par les coups plus espacés d’une cloche plus grave, vous en souvient-il?) voici que tout à coup je pense à vous pendant que sonnent dix heures. Et votre image est là devant moi, alors je vous écris ce petit mot. Puis vite, vite – bonsoir … là – je reviens au travail.

Jean Verdenal.

PS Ecrivez-moi quand vous pourrez, cela me fera plaisir. Hôtel-Dieu, place du Parvis, Notre-Dame.
1

1–
Translation
: My dear friend, Back a month ago from an intentionally athletic and healthgiving holiday, ‘well-showered and with muscles in trim’, I am now leading the busiest possible life to get myself perfectly in shape for the examination. Full mobilisation of every scrap of my meagre medical knowledge, general review of all questions, polishing up of details: such is the preparation for the battle to come; the days fly past as I labour away.

And then this evening, on the stroke of ten (all the bells in the area are ringing and, almost at the same time, comes a tinkling of fairly distant chimes, soon blotted out by the measured pealing of a deeper bell, do you remember?) suddenly I think of you as ten o’clock is striking. And your image is there in front of me, and so I am writing you this little note. But now, a hurried, very hurried good night … because I must get back to work. Jean Verdenal

PS Write to me when you can, I shall be pleased to hear from you. Hôtel-Dieu, place du Parvis, Notre Dame.

 
FROM
Jean Verdenal
 

PC
Houghton

[Postmark 7 September 1912]

Aubonne

Ca va mon vieux – Je voudrais tellement que [tu] serais avec moi. Aff Jean.
1

1–
Translation
: How are you my friend – I wish so much that you could be with me. Affectionately, Jean.

 
FROM
Jean Verdenal
 

MS
Houghton

 

Le 26 Décembre 1912

[Paris]

Mon cher ami,

J’arrive à la fin de cet ennuyeux concourse, la tête assez semblable à un grand magasin détenant tout ce qu’on veut pour bluffer le public. Dans un mois, j’espère avoir réussi et ne plus rien garder de l’encombrant étalage. Comme tout métier, la médecine ne retient que les connaissances qu’elle utilise. Il n’y faut rien chercher que de pratique. J’aurai ce métier. Par moments, cela m’irrite d’y être astreint; un certain orgueil intellectuel nous a déprécié la valeur d’avoir un métier. Et puis on a la peur d’y avoir perdu un temps réclamé par de plus graves problèmes. Prenons-le autrement: je tâcherai qu’il soit l’occupation appliquée, méticuleuse, la discipline nécessaire à ne point m’énerver ailleurs. Puisse cependant ma pensée progresser libre et mon coeur répondre aux appels de la vie …

Je me propose un plan régulier de culture philosophique et littéraire. Excusez mon ambition, mais je hais les amateurs. On en fourmille, car le public aime le clinquant; mais est-il étalage plus odieux que celui d’objets sacrés? Ne dédaignons pas la méthode. Je vous vois avec plaisir appliqué à des études sérieuses; votre goût délicat et votre clairvoyance y auront plus bel emploi qu’à des futilités. Je vous souhaite pour cetre année une ardeur souvent renouvelée – ardeur, flamme – mais c’est au coeur qu’en est la source et voici où nos voeux doivent être prudents. ‘Amène sur moi les biens, ô Dieu, que je te les demande ou non, et écarte les maux quand même je te les demanderai.’

Au revoir, mon cher ami, et bien à vous.

J. Verdenal.

PS J’ai revu le bon Prichard qui m’a dit force opinions ridicules sur maintes oeuvres d’art, et répété des théories dont il ne sort guère. Il n’a pas, je crois, assez d’études philosophiques et scientifiques pour échapper aux charlatans.
1
 

1–
Translation
: My dear friend, I am coming to the end of this boring examination, and my head is rather like a department store stocked with anything and everything to hoodwink the public. A month from now, I hope I shall have passed and can dispense with the burdensome display. The medical profession, like any other, is only interested in knowledge it can make use of. No good looking to it for anything other than the practical. It is to be my profession. At times, I feel exasperated at being obliged to submit to it; a sort of intellectual pride causes us to underrate the value of having a profession. Also, there is the fear of having wasted time needed for more serious problems. But let us take a different view: I shall endeavour to make it into a conscientious, meticulous occupation and the discipline necessary to prevent me wasting nervous energy in other directions. I hope, however, that my thought will continue to develop freely and that my heart will respond to the calls of life …

I propose to give myself an organised scheme of literary and philosophical study. Forgive my ambition, but I detest amateurs. There is no lack of them, since the public is fond of the flashy; but what more disgusting display could there be than that of sacred objects. Let us not despise methodicalness. I see with pleasure that you are engaged in serious study; your delicate taste and perspicacity will be put to better use than in dealing with futile matters. I wish you, for the coming year, an oft-renewed ardour – ardour, flame – but its source is in the heart, and here it is that our wishes must be prudent. ‘Bring good upon me, O Lord, whether I ask for it or not, and remove evil from me, even though I ask for it.’

Goodbye, my dear friend, and all best wishes. J. Verdenal.

PS I have seen the worthy Prichard again; he delivered himself of a mass of ridiculous opinions about a host of works of art, and repeated theories from which he more or less refuses to budge. He hasn’t, I think, a sufficient grounding in philosophy and science to avoid being taken in by charlatans.

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