Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) (28 page)

BOOK: Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition)
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Son rire résonna contre les
murs.

— Si ce fils de pute n’avait pas gâché la foutue montre, j’aurais pu me faire pas mal de pognon. À ce propos, ajouta-t-elle en pouffant, est-ce que vous auriez un peu de
liquide ?

Lizzy leva les yeux vers le
gardien.

— Jusqu’à cinquante dollars en coupures d’un dollar, dit-il.

Jared sortit seize dollars de son portefeuille et Lizzy en trouva neuf, froissés et pliés au fond de sa poche. Ils déposèrent les billets sur le
plateau.

Betsy tira le dispositif et s’esclaffa comme si elle venait de gagner à la loterie. Le gardien s’avança et déclara qu’il était temps pour Betsy de rejoindre sa cellule. Jared se leva et Lizzy l’imita.

— Merci pour tout, dit
Lizzy.

— Oui, quand vous voulez. Mais n’oubliez pas cette cartouche de
cigarettes.

— Je n’oublierai
pas.

Lizzy regarda Betsy se lever et suivre le gardien qui la ramenait à sa cellule. Une fois que Betsy eut disparu, Lizzy emboîta le pas à Jared, et ils sortirent du compartiment privé. Ils traversèrent le bâtiment et débouchèrent dans le hall, où ils récupérèrent leurs
affaires.

Le téléphone de Jared sonna au moment où ils franchissaient la porte principale. Il fronça les sourcils en écoutant, puis il hocha la tête et
raccrocha.

— Que se passe-t-il ?

— Nous devons retourner au lycée où tu as fait un discours hier
soir.

— Pourquoi ? demanda
Lizzy.

— D’après eux, il a peut-être encore
frappé.

Son cœur se
serra.

— Ils ont retrouvé une lettre et du sang à l’école.

— Ce n’est pas
possible.

Elle attrapa Jared par la manche de son manteau et plongea son regard dans le sien. Elle commençait à
comprendre.

— La lettre… la lettre m’est-elle
adressée ?

— Oui, mais cette fois, elle est signée Hayley
Hansen.

CHAPITRE 30

Samedi 20 février 2010,
18 h

 

— C’est à cause de Lizzy Gardner que tu es ici. Tu le sais, n’est-ce
pas ?

L’estomac de Hayley gargouillait. Elle n’avait rien mangé depuis au moins vingt-quatre heures. Les stores étaient bien fermés. Spiderman avait apporté une fine chaise en bois. Il était assis dans un coin et la regardait depuis au moins une
heure.

— Qu’est-ce que tu vas faire ? demanda-t-elle. Rester assis ici à me dévisager jour et
nuit ?

Il ne répondit pas. Son masque était en place, mais quelque chose chez lui semblait avoir changé. Pour commencer, il n’avait pas l’air en forme. Comme d’habitude, il portait sa chemise au col amidonné et son éternel pantalon beige, mais ses vêtements étaient froissés et il était voûté. Visiblement, il n’était pas dans son assiette. Quand il tourna la tête sur sa droite, elle aperçut des morceaux de gaze qui dépassaient de son col. Elle avait presque oublié qu’elle l’avait poignardé la nuit dernière. Était-il allé à l’hôpital ? Le couteau s’était enfoncé profondément. Et la maison était restée silencieuse pendant plusieurs heures avant qu’il n’entre dans la
pièce.

Le masque qu’il portait recouvrait le milieu de son visage : ses yeux, son nez, le haut de ses joues. Son front, sa mâchoire et son menton étaient exsangues, signe qu’il avait perdu une certaine quantité de
sang.

Cet homme lui donnait la chair de poule. Pas une seule fois Brian n’était entré dans sa chambre simplement pour s’asseoir et la regarder. Brian passait directement aux choses
sérieuses.

Mais pas
Spiderman.

La façon dont ses yeux la fixaient au travers du masque la mettait mal à l’aise.

— Qu’est-ce que tu regardes,
connard ?


 Toi.

— Si je suis ici, dit-elle, presque confiante à l’idée qu’il était probablement en train de souffrir, c’est uniquement parce que je t’ai
laissé
me
capturer.

Il inclina la tête sur le
côté.

— Comment
cela ?

Il n’utilisait pas sa machine vocale, ce qui n’annonçait sans doute rien de bon. Peut-être l’avait-il écoutée un peu plus tôt et s’était-il rangé à son avis. S’il devait finir par la tuer, qu’avait-il à cacher ? Pourtant, il s’entêtait toujours à porter un
masque.

— Pas besoin d’être Einstein, lui dit-elle, pour comprendre que tu as un compte à régler avec Lizzy
Gardner.

Elle n’avait pas non plus besoin d’être surdouée pour deviner que, si elle voulait avoir une chance de s’en sortir, elle devait faire ami-ami avec lui et le pousser à détacher ses bras de la colonne de lit. Elle était bien consciente, toutefois, qu’elle prenait sans doute ses désirs pour des
réalités.

— Après avoir regardé les actualités, je me suis dit que tu devais l’espionner, enchaîna-t-elle comme il ne répondait pas. Et si tu espionnais
réellement
Lizzy, alors il était probable que tu te montrerais au lycée. J’ai donc trouvé un endroit tranquille après le départ de tout le monde, la nuit dernière. Et j’ai
attendu.

— Pourquoi ferais-tu
cela ?

— Parce que je m’ennuyais.

Il éclata d’un rire pathétique et sans entrain, mais un rire tout de
même.

— Tu aurais pu utiliser ton temps pour te faire faire un nouveau tatouage, dit-il d’un ton amer. On dirait que tu aimes utiliser ton corps comme un tableau. Tu pourrais en
mourir.

Elle se mit à
rire.

— Ça, c’est drôle. Tu es un tueur,
non ?

— Un justicier, rectifia-t-il.

Elle trouvait sa voix profonde et apaisante. Il s’exprimait clairement. Rien à voir avec les minables que fréquentait sa mère, qui étaient incapables d’aligner deux
mots.

— Un justicier. Hmm. Comment
ça ?

— Je m’efforce de contribuer à débarrasser le monde des adolescentes inutiles qui ne servent à rien − des adolescentes qui séduisent et qui aguichent les jeunes hommes, qui sont insolentes envers leurs aînés, qui remplissent leurs poumons de fumée et qui gravent sur leurs membres des dessins ridicules sans aucun respect pour elles-mêmes ni pour leur
corps.

Il regardait ses
tatouages.

— Savais-tu que pendant une I.R.M. les sels métalliques contenus dans un tatouage pouvaient entraîner des brûlures de la peau, comme si la chair
cuisait ?

Elle leva les jambes en pliant les genoux pour mieux montrer le tatouage qu’elle avait à la cheville, au-dessus du ruban adhésif. Elle avait également un ange tatoué sur la clavicule et des fils barbelés autour du petit doigt. Elle haussa les
épaules.

— J’aime mes
tatouages.

Il ricana. D’un geste du menton, elle lui désigna sa
cheville.

— C’était mon tout premier. C’est difficile de le distinguer de loin, mais c’est écrit « Brian ». C’est lui qui m’a convaincue de me faire faire mon premier tatouage… il y a des années, quand je lui faisais encore confiance. Brian, c’est le dealer de drogue de ma mère. Au début, c’était le petit ami de maman, puis il l’a rendue accro à la méthamphétamine. Des années plus tard, quand maman ne pouvait plus lui payer l’argent qu’elle lui devait, elle lui a permis de faire ce qu’il voulait de moi. J’avais quatorze ans à l’époque. Après ça, il faut croire que je suis devenue la proie idéale. Depuis, je suis passée entre les mains de tous ses amis dealers… parfois la nuit, mais généralement le matin, ajouta-t-elle comme si elle parlait de la météo. Si tu es vraiment un justicier, pourquoi tu ne t’en prends pas aux types comme eux, plutôt qu’aux filles comme moi qui ne font pas le poids contre
toi ?

Il sembla longuement réfléchir avant de
répondre :

— Je suis certain que tu n’étais pas
parfaite.

Elle ne chercha même pas à lui dire qu’elle était première de sa classe, ni qu’elle travaillait presque tous les soirs et le week-end dans un bar à smoothies, consacrant l’intégralité de son salaire à aider sa mère à payer le loyer. Lors de ses temps libres, elle lisait des livres. Beaucoup de livres. Elle aimait les classiques autant que les bonnes histoires d’amour ou les romans à suspense. Rien de tel qu’un récit bien amené pour oublier ses
soucis.

— Tu as raison, dit-elle enfin, je n’étais franchement pas
parfaite.

Sous le masque, elle vit ses yeux
briller.

— Qu’est-ce que tu faisais ? demanda-t-il.

— Parfois, quand ces types me forçaient à leur sucer la queue, lâcha-t-elle, j’avais des haut-le-cœur. Ils n’aimaient pas du tout
ça.

— Et comment réagissaient-ils ?

Elle avait beau raconter la vérité, le psychopathe ne semblait pas avoir décelé son ton sarcastique. Tant pis. Si elle voulait qu’il se lie d’amitié avec elle, elle devait continuer de parler… le divertir jusqu’à trouver un moyen de se tirer de ce mauvais
pas.

— La plupart des drogués se fichaient bien que je m’étouffe, reprit-elle. L’un des dealers, un gros type poilu, me pinçait très fort chaque fois que j’avais un haut-le-cœur. Les pincements étaient pires que la nausée, alors j’ai fait des efforts pour bien ouvrir la gorge. Un peu comme les avaleurs de
sabre.

Il hocha la tête pour montrer qu’il comprenait.
Espèce de
taré.

— Quelques types attendaient d’avoir pris leur pied, puis ils me
frappaient.


 Hmm.

— Tu vois mon nez ? demanda-t-elle en tournant légèrement la tête pour qu’il puisse la regarder de
profil.

— Qu’est-ce qu’il y
a ?

— Il est tordu. Il a été cassé trois fois, par des connards
différents.

Son estomac gronda à nouveau, plus fort cette
fois.

— On dirait que tu as
faim.

Elle essaya tant bien que mal de hausser les
épaules.

— Demain, nous passerons un appel, dit-il en se levant, le corps raide. Si tu fais ce que je te demande, tu seras peut-être récompensée par quelque chose à
manger.

Hayley le regarda se diriger vers la porte. À en juger par sa grimace, il avait vraiment mal. Très bien. Il devrait être mort, se dit-elle en poussant un profond
soupir.

Il refermait généralement la porte en sortant, mais cette fois, il la laissa ouverte. Elle espérait qu’il irait se coucher. Avant qu’il n’arrive, un peu plus tôt, elle avait senti que les liens autour de son poignet commençaient à se relâcher. Sa chair était à vif sous le ruban adhésif, mais la douleur s’était estompée et elle n’éprouvait plus qu’une gêne
sourde.

Elle avait faim, mais plus que tout, elle avait envie d’aller aux toilettes. Elle avait déjà uriné une fois, mais maintenant, son shorty était à nouveau sec. Si elle se faisait dessus, elle craignait qu’il essaie de nettoyer les dégâts et qu’il découvre son couteau. Le canif coincé dans ses sous-vêtements était inconfortable, mais c’était aussi son dernier
espoir.

Un million de pensées se bousculaient dans son esprit, et parmi elles, ses vieilles envies de suicide. Chez elle, il y avait un ventilateur au-dessus de son lit. Les pales en bois abîmées tournaient au plafond, et elle imaginait souvent son cadavre suspendu au ventilateur : les yeux exorbités, le visage livide, la langue pendant mollement hors de sa bouche. Ses pensées suicidaires s’étaient accentuées ces derniers mois, et c’était donc sans inquiétude qu’elle s’était laissé capturer par le tueur
fou.

Même si son intention première avait été d’assassiner le monstre, elle était consciente qu’elle risquait alors de se faire tuer. Elle n’était pas stupide. Ce sont des choses qui arrivent. Et maintenant, vingt-quatre heures après s’être décidée à attraper ce connard, elle se trouvait à moitié nue et affamée, attachée à une colonne de lit avec un canif coincé sous les
fesses.

En dépit de la situation, elle se rendait compte que, plus que tout, elle avait envie de
vivre.

 

 

Samedi 20 février 2010, 18 h
 17

 

Les flashs illuminaient le visage de Lizzy, malgré tous les efforts que déployait Jared pour la protéger de l’essaim de journalistes agglutinés autour de l’école. Des camions satellites étaient alignés d’un côté de la rue, tandis que des voitures de patrouille aux lumières clignotantes encerclaient les bâtiments du
lycée.

— Lizzy, s’écria un journaliste dans la foule. Est-ce vrai que Spiderman vous a
appelée ?

Lizzy gardait les yeux rivés droit devant. Jared souleva la bande délimitant la scène de crime et la laissa
passer.

— A-t-il tué Nancy Moreno pour vous atteindre ? demanda quelqu’un. Et Sophie ? Est-ce vrai qu’il vous a adressé un autre
message ?

— Connaissiez-vous la fille qui a été enlevée la nuit
dernière ?

— Tu t’en sors très bien, chuchota Jared à l’oreille de Lizzy. Ignore-les. Nous y sommes
presque.

Lizzy avait beau s’efforcer de ne pas leur prêter la moindre attention, la douleur refermait ses doigts noueux autour de son cœur et serrait de toutes ses
forces.

Elle remarqua Jimmy Martin, penché au-dessus d’un technicien spécialisé en scène de crime, qui recueillait des échantillons dans des récipients stériles en grattant le sang séché à l’aide d’un scalpel. Des projecteurs portables avaient été installés pour que les enquêteurs et les techniciens puissent travailler plus vite et, par chance, devancer la pluie annoncée pour la région dans les prochaines heures. Plus près du gymnase, Lizzy remarqua la même journaliste que l’autre soir, la femme qui avait fait irruption en plein milieu de son cours et l’avait interrompu. Elle discutait avec un agent. La journaliste portait un jean et un t-shirt.

— Est-on en train de l’interroger ? s’informa
Lizzy.

Jimmy s’éloigna du
technicien.

— Apparemment, la journaliste a vu Hayley Hansen assise toute seule hier soir et elle lui a demandé si elle avait besoin qu’on la raccompagne. Il commençait à faire nuit. La fille lui a dit que quelqu’un allait passer la
chercher.

Il regarda la journaliste par-dessus son épaule et
ajouta :

— Elle est très
émue.

— Où la lettre a-t-elle été trouvée ? s’enquit
Jared.

— Juste ici, dit Jimmy, à l’endroit où la journaliste déclare avoir vu la fille attendre sa
voiture.

Lizzy regarda autour d’elle.

— Où est la
lettre ?

— On s’assure que le sang est bien sec avant de la ranger dans un sac. Nous ne pourrons pas l’examiner avant au moins une
heure.

— Des hypothèses ? demanda
Jared.

— J’en ai une, avança Lizzy. Hayley avait décidé de servir d’appât. Elle l’a évoqué en me rendant visite l’autre soir. Il lui suffisait de regarder les actualités pour savoir que Spiderman me surveillait. Alors elle vient à l’école où elle est sûre de me trouver, et après la fin de la session, elle s’assoit et attend que Spiderman arrive, en sachant que les probabilités jouent en sa faveur si elle s’offre ainsi sur un
plateau.

— C’est ridicule, rétorqua Jimmy. Quel genre de gamine se ferait volontairement
enlever ?

— Elle est solitaire et perdue, dit Lizzy en regrettant de ne pas avoir pu s’asseoir et discuter avec Hayley l’autre
soir.

Elle aurait peut-être pu dissuader la jeune
fille.

— Est-ce qu’on a contacté ses parents ? demanda
Jared.

— Éric Holden est avec la mère de Hayley en ce moment même. Elle ignorait que sa fille avait disparu. En fait, elle dit qu’il n’est pas rare que Hayley s’absente plusieurs jours d’affilée.

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