Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) (30 page)

BOOK: Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition)
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— Je ne peux pas croire que tu me fasses ça. Mary qui disparaît. Papa qui nous abandonne. Maman qui boit pour oublier. Et maintenant, voilà que tu entres chez les gens avec une arme au poing pour essayer de te faire
descendre.

Lizzy était sur le point d’intervenir lorsque Jessica leva la main pour l’en
empêcher.

— Nous allons vous laisser un peu d’intimité, proposa Lizzy à Jessica. Je reviens demain matin pour m’assurer que tu vas bien, d’accord ?

Jessica
acquiesça.

Les épaules de Scott s’effondrèrent. Il secouait la tête. Lizzy avait envie de parler à Jessica et à Scott de leur sœur, de les aider à faire leur deuil, mais Jessica paraissait trop fragile pour supporter un autre coup dur ce soir. Elle
attendrait.

 

 

Dimanche 21 février 2010, 3 h
 03

 

Quelque chose d’humide et de lourd glissait le long de ses
jambes.

Hayley releva brusquement la tête. Elle s’était assoupie. Apparemment, ce bâtard avait attendu qu’elle s’endorme pour libérer un autre de ses petits
compagnons.

Son cœur cognait à se rompre. La salle était plongée dans l’obscurité. Il faisait noir comme dans un four. Et deux jours déjà qu’elle luttait pour détacher ses poignets, en vain. Pourtant, cette fois, lorsqu’elle tira le bras vers le bas d’un coup sec, sa main droite se
dégagea.

Elle tendit la main vers le serpent au corps épais qui glissait le long de ses cuisses. Un sifflement se fit entendre juste avant que le reptile n’attaque, enfonçant ses crochets dans sa jambe. Elle grimaça et prit une inspiration douloureuse tout en refermant la main autour du corps de l’animal avant de le lancer à travers la pièce. Le corps pesant du serpent glissa sur le sol et percuta le mur dans un bruit
mat.

Fébrile, elle leva le bras qu’elle venait de libérer et entreprit de dégager son autre main. Le fil de fer semblait interminable et elle peinait à en trouver l’extrémité pour détacher son poignet. Une fois qu’elle se fut débarrassée de ses liens, elle se dressa sur ses genoux et arracha le ruban adhésif à l’aide de ses dents. Son bras était libre, mais la douleur était insupportable. Seules l’adrénaline et la détermination qui l’habitaient lui permettaient de continuer. De sa main droite, elle tâtonna dans sa propre puanteur pour trouver le couteau sur lequel elle était restée assise pendant plus de quarante-huit heures. La panique menaçait de la consumer jusqu’à ce que, du bout des doigts, elle effleure le manche du canif. Elle s’assit par terre, déplia la lame et s’empressa de ramener ses genoux contre sa poitrine pour sectionner le fil et le ruban adhésif qui lui entouraient les
chevilles.

Arrachant les restes de scotch, elle posa le couteau sur le lit et se servit de son bras valide pour se hisser sur ses pieds. Ses jambes flanchèrent et elle crut qu’elles allaient se dérober, mais elle parvint à se diriger vers la porte, armée du canif. Le bras tendu, elle faillit glisser sur le sol en cours de route. Elle ne voyait absolument
rien.

Mais elle était
libre.

Jusqu’à présent, elle avait accepté son sort. Elle pouvait bouger les bras et elle était capable de marcher. Jamais elle ne retournerait chez elle pour se faire agresser par les amis drogués de sa mère. Elle quitterait sa maison sans regarder en arrière. Elle ne laisserait plus jamais personne la
toucher.

Elle fit encore trois pas avant que ses doigts n’effleurent le mur. À tâtons, elle se déplaça sur le côté jusqu’à sentir la poignée de la porte. Ses doigts se refermèrent autour du métal froid. Son cœur cognait contre sa cage thoracique. Elle tourna la poignée. Rien. Fermée à clé. Le
bâtard.

La fenêtre. Elle devait trouver la
fenêtre.

Se servant du mur pour se guider, elle se déplaça lentement, un centimètre à la fois, en prenant soin de ne faire aucun bruit. Si la fenêtre était verrouillée, elle trouverait quelque chose pour briser la
vitre.

Elle avait déjà cassé des fenêtres. Elle prendrait le drap du lit et l’enroulerait autour de sa main valide avant de passer son poing à travers le verre. Puis elle détalerait pour garder la vie
sauve.

Elle en était
capable.

Elle pouvait s’échapper. Tout comme Lizzy
Gardner.

Pour la première fois dans son existence, elle avait l’impression d’avoir un but. Elle devait s’enfuir. Elle voulait aller à l’université. Elle voulait
vivre.

Son genou buta contre une chaise. Zut. Elle demeura un instant immobile, priant pour qu’il n’ait pas entendu le bruit. Elle manœuvra pour contourner le siège dans l’obscurité et progresser. Son pied nu toucha le corps du serpent et elle lui donna un coup de pied pour l’écarter de son chemin.
Dégoûtant.

Elle se guidait à l’aide de sa main droite.
Reste calme. Ne fais pas de bruit. Ne réveille pas le monstre.
S’il savait qu’elle s’était dégagée, il le lui ferait payer. Elle ne comprenait toujours pas sa rage envers elle ni envers les autres filles, mais il lui avait clairement fait comprendre qu’il attendait qu’elle obéisse à ses règles. S’échapper, c’était désobéir. S’il découvrait qu’elle avait essayé de le quitter, cela ne ferait que lui fournir une excuse supplémentaire pour la torturer davantage. La pièce n’était pourtant pas si vaste. Bon sang, mais où se trouvait donc cette fenêtre ? Elle savait qu’il y avait une lampe sur la table près de la fenêtre. Elle allait devoir faire attention
quand…

Clic
.

La lumière
apparut.

Elle tourna la
tête.

Le monstre était assis au bord du lit. Sans masque. Sans barbe. Mais comment diable était-il revenu dans la chambre sans qu’elle s’en aperçoive ? Elle s’était très brièvement assoupie en attendant qu’il en fasse de
même.

— Tu pensais vraiment que j’étais si stupide ? demanda-t-il.

Elle attrapa son couteau, déplia la lame et la tendit vers
lui.

— Je dois admettre que je ne me doutais pas qu’il te resterait une arme. Tu es une fille
intelligente.

— Je n’ai pas envie de m’en servir contre toi, mais je le ferai s’il le faut, dit-elle. Tu as l’air pâle. Tu aurais vraiment dû aller à l’hôpital avec cette blessure à l’arme
blanche.

— Regarde dans quel état tu as mis la
chambre.

Il observait autour de lui, moins troublé par sa lame luisante que par le désordre sur le
sol.

Elle posa les yeux sur son torse. Si elle voulait survivre un jour de plus, elle devait le frapper violemment, profondément. Il fallait qu’elle lui plonge le couteau dans le cœur, car même le diable avait un cœur qui battait et
palpitait.

— Ça pue ici, maugréa-t-il. Tss,
tss.

— Laisse-moi partir, lui dit-elle, et je te laisserai tranquille. Je ne dirai à personne ce que tu as fait. Je partirai. Il n’est pas trop tard pour que tu abandonnes ce sale merdier derrière toi. Ils ne te pinceront jamais si tu t’arrêtes avant d’aller trop
loin.

Le sourire sur son visage était
angoissant.

Il n’était pas près de la laisser
partir.

Il leva les mains. Ses doigts étaient courts et épais. Il portait une alliance à l’annulaire gauche. Elle n’avait encore jamais remarqué la
bague.

— Je crois en la justice et au modèle américain, lui dit-il. L’égalité et le respect par-dessus tout. Si tu n’as pas de respect pour tes pairs et pour tes aînés, alors tu es inutile pour la
société.

Il portait un pantalon et une veste de sport. Lorsqu’il glissa la main dans la poche de sa veste, elle s’élança vers lui, mais il était trop loin. Elle avait le bras trop court. La lame frappa le matelas au lieu du
cœur.

Avant qu’elle ait pu lancer un nouvel assaut, il plaqua un appareil métallique contre son
flanc.

Zap
.

Elle fit un soubresaut en avant, comme frappée par la foudre. Son corps se raidit, perclus de crampes. Elle ne pouvait pas bouger. Elle en eut le souffle coupé. Chacun de ses muscles était contracté. La douleur était atroce. Elle s’effondra à
terre.

Il se pencha au-dessus d’elle.

Elle avait envie de lui dire d’aller se faire foutre, mais c’était peine perdue. Elle était incapable de prononcer un mot, de bouger un
cil.

Des yeux ternes et sans éclat la regardaient. Il lui enleva le couteau de la main et, sans crier gare, il se baissa et lui sectionna le petit doigt de la main droite à l’aide de la lame tranchante. Elle ne voyait pas ce qu’il faisait, mais elle pouvait le
sentir.

Une fois qu’il eut terminé, il brandit le doigt
sanglant.

— Je n’aime pas les tatouages. Ils peuvent te tuer, tu
sais.

Elle sentit ses muscles qui commençaient à se détendre. Le sang coulait le long de sa main. Elle le vit poser son doigt coupé sur la table de chevet, puis il glissa à nouveau la main dans sa poche et, cette fois, il en sortit une seringue. Il revint vers la jeune fille toujours étendue au sol et lui enfonça l’aiguille dans le
bras.

CHAPITRE 32

Dimanche 21 février 2010, 9 h
 02

 

À neuf heures le lendemain matin, Lizzy et Jared étaient à nouveau au quartier général du FBI, à Sacramento. Dix minutes plus tôt, on les avait conduits dans une salle de conférences où trois hommes étaient déjà
assis.

Lizzy s’était installée en face de Jared. Elle reconnut Ronald Holt, assis à côté de lui. Les deux autres agents ne lui étaient pas
familiers.

Jimmy était debout dans le couloir et s’entretenait avec une femme. Enfin, il les rejoignit dans la salle de conférences, ferma la porte et prit place en bout de table. Avant de dire quoi que ce soit, il fit glisser deux croquis de vingt centimètres sur vingt-cinq en direction de
Lizzy.

Lizzy souleva l’image. Le dessin au crayon représentait un inconnu affublé d’un masque. Sur l’autre croquis, on retrouvait le même homme, qui portait une barbe cette fois. Les yeux de l’homme étaient de couleur claire. Dans son sommeil, Lizzy voyait ceux de Spiderman toujours noir charbon. Le regard sur l’image paraissait la fixer. Le dessinateur avait un talent artistique indéniable. Les yeux lui donnaient vraiment la chair de
poule.

— C’est ressemblant et précis, dit Lizzy en regardant le sinistre croquis : le front haut, les mâchoires puissantes, les oreilles plus grandes que la
moyenne.

Les poils se dressèrent sur ses
bras.

— L’artiste a passé les deux derniers jours à travailler avec l’étudiant de Cosumnes River College et votre psychologue, Linda Gates, lui expliqua Jimmy. Ils sont tous les deux formels : le portrait est conforme à l’homme qu’ils ont
vu.

— D’un autre côté, dit Lizzy, n’ont-ils pas également affirmé tous les deux qu’il portait des lunettes de soleil ? Si c’est le cas, ils n’ont pas pu voir ses
yeux.

— C’est pour cela que les yeux sur le dessin ne sont ni trop larges ni trop
étroits.

Jared tendit la main par-dessus la table pour attraper l’une des images et l’étudia
longuement.

— Ces croquis ont-ils été
publiés ?

Jimmy regarda sa
montre.

— À six heures ce matin, les deux images ont été diffusées sur les chaînes d’information à travers toute l’Amérique.

Jared semblait
satisfait.

Les sentiments de Lizzy étaient mitigés. Elle était ravie que le public soit informé, mais le portrait n’était pas exact à cent pour
cent.

Tout le monde dans la salle semblait fatigué et surmené. Jimmy balaya la pièce du regard et
poursuivit :

— Bon, Messieurs, je veux vous entendre. Qu’avez-vous à nous révéler ? Donnez-moi matière à travailler. Surprenez-moi. N’importe
quoi.

Il désigna d’un geste l’homme corpulent à l’autre bout de la
table.

— Matt, que se passe-t-il du côté des écoutes téléphoniques ? Qu’as-tu obtenu jusqu’à
présent ?

Matt s’éclaircit la
voix.

— Le suspect utilise des téléphones jetables et, apparemment, il s’en débarrasse après chaque
utilisation.

— Ne doit-il pas signer un contrat pour acheter un téléphone ? demanda
Lizzy.

Matt secoua la
tête.

— Il paie en
liquide.

— Les téléphones portables prépayés garantissent l’anonymat, expliqua Jared. Pas de nom. Pas de contrat. Il se sert du téléphone, puis il le
jette.

— Et toi, Holt ? poursuivit Jimmy. Qui surveille la maison des
Warner ?

— C’est Cameron qui est en poste aujourd’hui. Je n’ai rien vu d’inhabituel depuis que j’y suis garé. C’est une rue
tranquille.

Lizzy était soulagée de l’apprendre. Ces dernières nuits, elle s’était réveillée en sueur à plusieurs reprises, inquiète pour Brittany et
Cathy.

— Maintenant, nous avons deux messages
écrits.

Jimmy passa la salle en
revue.

— Des empreintes ? Quelque
chose ?

Matt secoua la
tête.

— Le suspect porte des gants et il est extrêmement méticuleux avec tout ce qu’il touche. Aucune empreinte chez Moreno, ni sur aucune des deux
notes.

La porte de la salle de conférences s’ouvrit. Une jeune femme passa la tête dans l’entrebâillement pour annoncer à Jimmy qu’il avait un appel important sur la ligne sept. Jimmy décrocha le téléphone et appuya sur un bouton. Lorsqu’il raccrocha, ses yeux étaient hagards, comme s’il venait d’entendre son arrêt de
mort.

Jimmy prit un moment pour se ressaisir avant de reprendre la parole. Il croisa les doigts et fixa le dessin de l’homme
masqué.

— Je veux attraper cet enfoiré. Je le veux aujourd’hui. Cela fait deux nuits que Hayley a disparu. Le temps
presse.

— Et Frank Lyle ? demanda Jared à l’équipe d’enquêteurs. A-t-il changé de
version ?

Matt reprit la
parole.

— Frank Lyle s’en tient à son histoire originale. Il refuse catégoriquement de se rétracter. Il dit qu’il a tué toutes les filles il y a quatorze ans, dont celles qui ont disparu. Mais il n’a aucune preuve. Il ne nous dit pas où sont enterrés les corps. La majeure partie de ceux qui l’ont interrogé est convaincue qu’il ment. Il aime attirer l’attention.

— Et la maison des supplices ? demanda Jimmy, d’une voix qui trahissait sa frustration. Les fouilles, la Rolex, les araignées, les marques de
piqûre ?

— Les fouilles n’ont rien donné, intervint un dénommé Tom. Rien que de la terre et des
cailloux.

Tom retira ses lunettes et sortit un chiffon de la poche de son manteau pour nettoyer les verres tout en
parlant.

— J’ai pu localiser la boutique du prêteur sur gages où Betsy Raeburn a vendu la Rolex. Le problème, c’est que le propriétaire du magasin n’a aucune trace de l’endroit où est partie la montre après avoir été vendue. À la différence des factures d’achat, le suivi des ventes ne remonte qu’à sept ans en arrière, pas jusqu’à
quatorze.

— Et si on diffusait publiquement les informations concernant la Rolex et le détail des inscriptions, SJ aime SW, suggéra Lizzy. Peut-être quelqu’un reconnaîtra-t-il les
initiales.

— Ce n’est pas une mauvaise idée, dit
Jimmy.

Ronald griffonnait quelque chose sur son
carnet.

— Si c’est Spiderman à qui nous avons affaire, dit Matt, pourquoi tue-t-il des journalistes au hasard et des filles qu’il a ramassées sur le trottoir ? Qu’est-il arrivé aux fameux plans méthodiquement élaborés dont j’ai tant entendu
parler ?

— Spiderman n’est plus le même homme qu’avant. Il est aux abois, dit Jared. Spiderman a changé de
modus operandi
. Il est passé des meurtres en série à de véritables massacres. Ça ne se produit pas souvent, mais je parie que Spiderman a trouvé un moyen de vivre sa vie pendant quatorze ans sans tuer. Quelle qu’en soit la raison, cela a fonctionné pendant un temps… du moins, jusqu’à ce que Frank Lyle n’intervienne dans le tableau. Les tueurs en série aiment recueillir la reconnaissance qui leur est due pour leurs œuvres. S’en tirer malgré leurs meurtres, les uns après les autres, année après année, leur permet de se sentir supérieurs. Mais voilà que Frank Lyle tue une jeune fille de la même manière que Spiderman, et après avoir été capturé, Lyle raconte au monde entier qu’il est notre homme, le type responsable d’au moins six meurtres. Ça rend Spiderman fou furieux. Tant et si bien qu’il ne peut s’empêcher de sortir de sa cachette. Sa rage envers Lyle lui fait perdre les pédales. Maintenant, il est plus âgé, mais pas forcément plus sage. Il a désespérément besoin que le monde sache qu’il est de retour. Il regarde les actualités, lit les journaux et apprend que Lizzy n’était pas celle qu’il croyait. Toute cette colère tapie au fond de lui se détourne de Lyle, qui est enfermé derrière les verrous, et se reporte à la place sur la fille qui lui a
échappé.

Lizzy se frotta les
bras.

— Très bien, dit Jimmy, remettons-nous au travail. Si Lizzy est assise parmi nous aujourd’hui, c’est parce qu’elle s’est portée volontaire pour servir d’appât.

Tous les regards se posèrent sur Jared, qui secouait la
tête.

— Je n’aime pas ça et je ne pense pas que Spiderman sera dupe, surtout maintenant que Hayley lui a fait le même coup. Mais Lizzy n’en fait qu’à sa tête et elle est têtue comme une
mule.

D’un hochement de tête, Lizzy confirma les propos de
Jared.

— D’accord, dit Jimmy. J’imagine que les seules questions qu’il nous reste à déterminer sont quand, où et
comment ?

 

 

Dimanche 21 février 2010, 17 h
 07

 

— Salut, toi, dit Lizzy quand Jessica ouvrit les
yeux.


 Salut.

— Comment tu te
sens ?


 Super.

Lizzy sourit. Sa question était plus ridicule que la réponse de Jessica. La fille avait des tubes qui lui traversaient le corps de part en part et elle était en piteux
état.

— Je ne pensais pas que le type aurait une arme, dit Jessica d’une voix
rauque.

— Qu’est-ce qui t’a fait croire que Gilman était notre
homme ?

— C’était le prof de maths de mon frère. Il donnait aussi des cours particuliers. Mon frère, Scott, est resté tard un soir parce que Gilman lui a proposé de l’aider à étudier pour un
examen.

Jessica déglutit. Ses lèvres étaient sèches et
craquelées.

— Je me souviens encore de la nuit où mon frère est rentré après son cours de soutien. Il n’était pas le même. Je l’ai taquiné, ce qui était habituel entre nous, on passait notre temps à s’asticoter. Mais cette fois, mon frère s’est fâché et j’ai éclaté en sanglots. Instantanément, mon frère s’est mis à pleurer lui aussi, et il a aussitôt expliqué à maman et papa que son prof de maths lui avait fait subir des attouchements. C’était une période difficile pour notre famille. Papa est allé à l’école le lendemain et a fait un
scandale.

— Gilman a-t-il été
arrêté ?

— Je ne me rappelle pas ce qui s’est passé par la suite, parce que quelques jours plus tard, Mary a disparu. Gilman et mon frère sont vite tombés dans l’oubli.

Lizzy tendit la main par-dessus la rambarde du lit pour serrer celle de
Jessica.

— Je suis vraiment
désolée.

— Quand j’ai écouté ton message, dit Jessica, et que tu m’as demandé d’ajouter Gilman et Sullivan à notre liste de suspects, j’étais certaine que Gilman était Spiderman. Ou du moins, je me suis dit que c’était lui qui avait enlevé Mary. Tout était logique, tu sais, puisque deux jours après que papa s’est plaint aux autorités, Mary a disparu. Je n’en revenais pas de ne pas avoir fait le lien plus tôt. Je ne peux toujours pas croire que je me sois
trompée.

Lizzy trouva un tube de Vaseline et le tendit à Jessica pour qu’elle puisse étaler un peu de gel sur ses lèvres
desséchées.

— Tu sais quelque chose à propos de Mary, n’est-ce pas ? demanda Jessica après s’être passé la pommade sur les
lèvres.

Malgré cette remarque qui la surprit, Lizzy hocha la
tête.

— C’est ce que je me disais. Tu as eu un regard étrange lorsque je t’ai montré la photo. Tu l’as vue, c’est
ça ?

Lizzy déglutit avec
peine.

— Je suis
désolée.

— Il faut que tu me le dises. J’ai besoin de savoir. A-t-elle été torturée comme les
autres ?

Lizzy ne savait pas quoi lui répondre. Elle ne pourrait pas supporter de raconter à Jessica ce qu’elle avait vu, mais elle savait qu’elle devait
essayer.

— Deux nuits après mon enlèvement, je me suis réveillée dans une pièce inconnue, dans une maison classique. J’étais attachée, mais j’ai réussi à me dégager de mes liens. Ma jambe était en mauvais état. J’étais à la porte de derrière, prête à m’échapper, lorsque j’ai entendu quelqu’un crier à l’intérieur de la maison. À ce moment-là, j’ai su qu’il m’était impossible de partir sans intervenir. J’ai tout de suite découvert ta sœur. Je ne me rappelle pas l’avoir détachée, mais je me souviens de l’avoir soulevée dans mes
bras.

La voix de Lizzy se brisa et elle s’agrippa à la rambarde. La fragilité et la faiblesse de Mary lui revenaient en
mémoire.

— Nous étions à deux doigts de nous
enfuir.

Elle
expira.

— Mary et moi avons failli nous
échapper.

La main de Jessica glissa sur celle de
Lizzy.

— C’est bon. Ce n’est pas de ta faute, Lizzy. Tu es revenue chercher ma sœur et tu en as payé un terrible prix. Tu as essayé, et c’est tout ce que l’on pouvait
faire.

— Je voulais la
sauver.

À ce souvenir, les yeux de Lizzy se mirent à lui
brûler.

— Plus que tout au monde, je voulais que Mary rentre chez elle, auprès de sa famille. C’est tout ce que je
voulais.

 

 

Dimanche 21 février 2010, 23 h
 23

 

La journée traînait en longueur, comme dure le réveillon pour un enfant qui attend que le Père Noël descende par la cheminée. Lizzy avait hâte que le lendemain arrive. Elle avait hâte d’être au lendemain, car elle avait le pressentiment que leur plan fonctionnerait. Une fois qu’elle aurait Spiderman en face d’elle, elle pourrait lui dire ce qu’elle avait toujours voulu lui dire − d’aller brûler en enfer, le seul endroit qui lui
ressemblait.

Lizzy était assise, immobile, devant la télévision. Elle pensait au lendemain, tandis que Jared remplissait des documents à côté d’elle. Son entretien avec le détective Holt avait déjà été diffusé sur les chaînes d’information locales, qui passaient en boucle la vidéo, toutes les heures. Elle recommandait au public de garder un œil sur leurs enfants et de fermer leurs portes à clé. On avait fait croire à la plupart des chaînes d’information que l’entretien enregistré avait fait l’objet d’une fuite de la part d’un agent du FBI. Les directeurs des médias ignoraient qu’ils avaient été bernés. Même s’ils l’avaient su, songeait Lizzy, ils ne s’en seraient pas formalisés. Une histoire restait une
histoire.

BOOK: Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition)
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