Read Selected Poems 1930-1988 Online

Authors: Samuel Beckett

Selected Poems 1930-1988 (9 page)

BOOK: Selected Poems 1930-1988
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Elle est debout sur mes paupières

Et ses cheveux sont dans les miens,

Elle a la forme de mes mains,

Elle a la couleur de mes yeux,

Elle s'engloutit dans mon ombre

Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts

Et ne me laisse pas dormir.

Ses rêves en pleine lumière

Font s'évaporer les soleils,

Me font rire, pleurer et rire,

Parler sans avoir rien à dire. 

She is standing on my lids

And her hair is in my hair,

She has the colour of my eye,

She has the body of my hand,

In my shade she is engulfed

As a stone against the sky.

She will never close her eyes

And she does not let me sleep.

And her dreams in the bright day

Make the suns evaporate,

And me laugh cry and laugh,

Speak when I have nothing to say.

Tous les arbres toutes leurs branches toutes leurs feuilles

L'herbe à la base les rochers et les maisons en masse

Au loin la mer que ton œil baigne

Ces images d'un jour après l'autre

Les vices les vertus tellement imparfaits

La transparence des passants dans les rues de hasard

Et les passantes exhalées par tes recherches obstinées

Tes idées fixes au cœur de plomb aux lèvres vierges

Les vices les vertus tellement imparfaits

La ressemblance des regards de permission avec les yeux que tu conquis

La confusion des corps des lassitudes des ardeurs

L'imitation des mots des attitudes des idées

Les vices les vertus tellement imparfaits

L'amour c'est l'homme inachevé.

All the trees all their boughs all their leaves

The grass at the base the rocks the massed houses

Afar the sea that thine eye washes

Those images of one day and the next

The vices the virtues that are so imperfect

The transparence of men that pass in the streets of hazard

And women that pass in a fume from thy dour questing

The fixed ideas virgin-lipped leaden-hearted

The vices the virtues that are so imperfect

The eyes consenting resembling the eyes thou didst vanquish

The confusion of the bodies the lassitudes the ardours

The imitation of the words the attitudes the ideas

The vices the virtues that are so imperfect

Love is man unfinished.

A la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine

Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes

La religion seule est restée toute neuve la religion

Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme

L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X

Et toi que les fenêtres observent la honte te retient

D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin

Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut

Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux

Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventures policières

Portraits des grands hommes et mille titres divers

J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom

Neuve et propre du soleil elle était le clairon

Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes

Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent

Le matin par trois fois la sirène y gémit

Une cloche rageuse y aboie vers midi

Les inscriptions des enseignes et des murailles

Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent

J'aime la grâce de cette rue industrielle

Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue des Ternes

Voilà la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant

Ta mère ne t'habille que de bleu et de blanc

Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize

Vous n'aimez rien tant que les pompes de l'Église

Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette

Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège

Tandis qu'éternelle et adorable profondeur améthyste

Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ

C'est le beau lys que tous nous cultivons

C'est la torche aux cheveux roux que n'éteint pas le vent

C'est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère

C'est l'arbre toujours touffu de toutes les prières

C'est la double potence de l'honneur et de l'éternité

C'est l'étoile à six branches

C'est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche

C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs

Il détient le record du monde pour la hauteur

Pupille Christ de l'oeil

Vingtième pupille des siècles il sait y faire

Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l'air

Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder

Ils disent qu'il imite Simon Mage en Judée

Ils crient s'il sait voler qu'on l'appelle voleur

Les anges voltigent autour du joli voltigeur

Icare Enoch Élie Apollonius de Thyane

Flottent autour du premier aéroplane

Ils s'écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la Sainte-Eucharistie

Ces prêtres qui montent éternellement élevant l'hostie

L'avion se pose enfin sans refermer les ailes

Le ciel s'emplit alors de millions d'hirondelles

A tire-d'aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux

D'Afrique arrivent les ibis les flamants les marabouts

L'oiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes

Plane tenant dans ses serres le crâne d'Adam la première tête

L'aigle fond de l'horizon en poussant un grand cri

Et d'Amérique vient le petit colibri

De Chine sont venus ses pihis longs et souples

Qui n'ont qu'une seule aile et qui volent par couples

Puis voici la colombe esprit immaculé

Qu'escortent l'oiseau-lyre et le paon ocellé

Le phénix ce bûcher qui soi-même s'engendre

Un instant voile tout de son ardente cendre

Les sirènes laissant les périlleux détroits

Arrivent en chantant bellement toutes trois

Et tous aigle phénix et pihis de la Chine

Fraternisent avec la volante machine

Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule

Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent

L'angoisse de l'amour te serre le gosier

Comme si tu ne devais jamais plus être aimé

Si tu vivais dans l'ancien temps tu entrerais dans un monastère

Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière

Tu te moques de toi et comme le feu de l'Enfer ton rire pétille

Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie

C'est un tableau pendu dans un sombre musée

Et quelquefois tu vas le regarder de près

Aujourd'hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantées

C'était et je voudrais ne pas m'en souvenir c'était au déclin de la beauté

Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m'a regardé à Chartres

Le sang de votre Sacré Cœur m'a inondé à Montmartre

Je suis malade d'ouïr les paroles bienheureuses

L'amour dont je souffre est une maladie honteuse

Et l'image qui te possède te fait survivre dans l'insomnie et dans l'angoisse

C'est toujours près de toi cette image qui passe

Maintenant tu es au bord de la Méditerranée

Sous les citronniers qui sont en fleur toute l'année

Avec tes amis tu te promènes en barque

L'un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques

Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs

Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur

Tu es dans le jardin d'une auberge aux environs de Prague

Tu te sens tout heureux une rose est sur la table

Et tu observes au lieu d'écrire ton conte en prose

La cétoine qui dort dans le cœur de la rose

Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit

Tu étais triste à mourir le jour où tu t'y vis

Tu ressembles au Lazare affolé par le jour

Les aiguilles de l'horloge du quartier juif vont à rebours

Et tu recules aussi dans ta vie lentement

En montant au Hradchin et le soir en écoutant

Dans les tavernes chanter des chansons tchèques

Te voici à Marseille au milieu des pastèques

Te voici à Coblence à l'hôtel du Géant

Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon

Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide

Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde

On y loue des chambres en latin Cubicula locanda

Je m'en souviens j'y ai passé trois jours et autant à Gouda

Tu es à Paris chez le juge d'instruction

Comme un criminel on te met en état d'arrestation

Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages

Avant de t'apercevoir du mensonge et de l'âge

Tu as souffert de l'amour à vingt et à trente ans

J'ai vécu comme un fou et j'ai perdu mon temps

Tu n'oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter

Sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a épouvanté

Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants

Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants

Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare

Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages

Ils espèrent gagner de l'argent dans l'Argentine

Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune

Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre cœur

Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels

Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent

Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges

Je les ai vus souvent le soir ils prennent l'air dans la rue

Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs

Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque

Elles restent assises exsangues au fond des boutiques

Tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux

Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux

Tu es la nuit dans un grand restaurant

Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant

Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant

Elle est la fille d'un sergent de ville de Jersey

Ses mains que je n'avais pas vues sont dures et gercées

J'ai une pitié immense pour les coutures de son ventre

J'humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche

Tu es seul le matin va venir

Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues

La nuit s'éloigne ainsi qu'une belle Métive

C'est Ferdine la fausse ou Léa l'attentive

Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie

Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied

Dormir parmi tes fétiches d'Océanie et de Guinée

Ils sont des Christ d'une autre forme et d'une autre croyance

Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances

Adieu Adieu

Soleil cou coupé

In the end you are weary of this ancient world

This morning the bridges are bleating Eiffel Tower oh herd

Weary of living in Roman antiquity and Greek

Here even the motor-cars look antique

Religion alone has stayed young religion

Has stayed simple like the hangars at Port Aviation

You alone in Europe Christianity are not ancient

The most modern European is you Pope Pius X

And you whom the windows watch shame restrains

From entering a church this morning and confessing your sins

You read the handbills the catalogues the singing posters

So much for poetry this morning and the prose is in the papers

Special editions full of crimes

Celebrities and other attractions for 25 centimes

This morning I saw a pretty street whose name is gone

Clean and shining clarion of the sun

Where from Monday morning to Saturday evening four times a day

Directors workers and beautiful shorthand typists go their way

And thrice in the morning the siren makes its moan

And a bell bays savagely coming up to noon

The inscriptions on walls and signs

The notices and plates squawk parrot-wise

I love the grace of this industrial street

In Paris between the Avenue des Ternes and the Rue Aumont-Thiéville

There it is the young street and you still but a small child

Your mother always dresses you in blue and white

You are very pious and with René Dalize your oldest crony

Nothing delights you more than church ceremony

It is nine at night the lowered gas burns blue you steal away

From the dormitory and all night in the college chapel pray

Whilst everlastingly the flaming glory of Christ

Wheels in adorable depths of amethyst

It is the fair lily that we all revere

It is the torch burning in the wind its auburn hair

It is the rosepale son of the mother of grief

It is the tree with the world's prayers ever in leaf

It is of honour and eternity the double beam

It is the six-branched star it is God

Who Friday dies and Sunday rises from the dead

It is Christ who better than airmen wings his flight

Holding the record of the world for height

Pupil Christ of the eye

Twentieth pupil of the centuries it is no novice

And changed into a bird this century soars like Jesus

The devils in the deeps look up and say they see a

Nimitation of Simon Magus in Judea

Craft by name by nature craft they cry

About the pretty flyer the angels fly

Enoch Elijah Apollonius of Tyana hover

With Icarus round the first airworthy ever

For those whom the Eucharist transports they now and then make way

Host-elevating priests ascending endlessly

The aeroplane alights at last with outstretched pinions

Then the sky is filled with swallows in their millions

The rooks come flocking the owls the hawks

Flamingoes from Africa and ibises and storks

The roc bird famed in song and story soars

With Adam's skull the first head in its claws

The eagle stoops screaming from heaven's verge

From America comes the little humming-bird

From China the long and supple

One-winged peehees that fly in couples

Behold the dove spirit without alloy

That ocellate peacock and lyre-bird convoy

The phoenix flame-devoured flame-revived

All with its ardent ash an instant hides

Leaving the perilous straits the sirens three

Divinely singing join the company

And eagle phoenix peehees fraternize

One and all with the machine that flies

Now you walk in Paris alone among the crowd

Herds of bellowing buses hemming you about

Anguish of love parching you within

As though you were never to be loved again

If you lived in olden times you would get you to a cloister

You are ashamed when you catch yourself at a paternoster

You are your own mocker and like hellfire your laughter crackles

Golden on your life's hearth fall the sparks of your laughter

It is a picture in a dark museum hung

And you sometimes go and contemplate it long 

To-day you walk in Paris the women are blood-red

It was and would I could forget it was at beauty's ebb

From the midst of fervent flames Our Lady beheld me at Chartres

The blood of your Sacred Heart flooded me in Montmartre

I am sick with hearing the words of bliss

The love I endure is like a syphilis

And the image that possesses you and never leaves your side

In anguish and insomnia keeps you alive

Now you are on the Riviera among

The lemon-trees that flower all year long

With your friends you go for a sail on the sea

One is from Nice one from Menton and two from La Turbie

The octopuses in the depths fill us with horror

And in the seaweed fishes swim emblems of the Saviour

You are in an inn-garden near Prague

You feel perfectly happy a rose is on the table

And you observe instead of writing your story in prose

The chafer asleep in the heart of the rose

Appalled you see your image in the agates of Saint Vitus

That day you were fit to die with sadness

You look like Lazarus frantic in the daylight

The hands of the clock in the Jewish quarter go to left from right

And you too live slowly backwards

Climbing up to the Hradchin or listening as night falls

To Czech songs being sung in taverns

Here you are in Marseilles among the water-melons

Here you are in Coblenz at the Giant's Hostelry

Here you are in Rome under a Japanese medlar-tree

Here you are in Amsterdam with an ill-favoured maiden

You find her beautiful she is engaged to a student in Leyden

There they let their rooms in Latin cubicula locanda

I remember I spent three days there and as many in Gouda

You are in Paris with the examining magistrate

They clap you in gaol like a common reprobate

Grievous and joyous voyages you made

Before you knew what falsehood was and age

At twenty you suffered from love and at thirty again

My life was folly and my days in vain

You dare not look at your hands tears haunt my eyes

For you for her I love and all the old miseries

Weeping you watch the wretched emigrants

They believe in God they pray the women suckle their infants

They fill with their smell the station of Saint-Lazare

Like the wise men from the East they have faith in their star

They hope to prosper in the Argentine

And to come home having made their fortune

A family transports a red eiderdown as you your heart

An eiderdown as unreal as our dreams

Some go no further doss in the stews

Of the Rue des Rosiers or the Rue des Écouffes

Often in the streets I have seen them in the gloaming

Taking the air and like chessmen seldom moving

They are mostly Jews the wives wear wigs and in

The depths of shadowy dens bloodless sit on and on

You stand at the bar of a crapulous café

Drinking coffee at two sous a time in the midst of the unhappy

It is night you are in a restaurant it is superior

These women are decent enough they have their troubles however

All even the ugliest one have made their lovers suffer

She is a Jersey police-constable's daughter

Her hands I had not seen are chapped and hard

The seams of her belly go to my heart

To a poor harlot horribly laughing I humble my mouth

You are alone morning is at hand

In the streets the milkmen rattle their cans

Like a dark beauty night withdraws

Watchful Leah or Ferdine the false

And you drink this alcohol burning like your life

Your life that you drink like spirit of wine

You walk towards Auteuil you want to walk home and sleep

Among your fetishes from Guinea and the South Seas

Christs of another creed another guise

The lowly Christs of dim expectancies

Adieu Adieu

Sun corseless head

BOOK: Selected Poems 1930-1988
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