The Running Man (19 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

BOOK: The Running Man
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— Mais, fit-elle, complètement effarée.

Les deux policiers s’agenouillèrent presque simultanément, l’arme au poing, un de chaque côté de la route.

De son pied blessé, Richards écrasa la chaussure droite d’Amélia Williams en grimaçant de douleur. La voiture démarra en trombe.

Deux impacts successifs firent vibrer la carrosserie, mais la voiture ne dévia pas de sa trajectoire. Un troisième fit éclater le pare-brise. Par pur réflexe, elle porta les mains à son visage. Richards se jeta sauvagement contre elle et réussit à redresser le volant. Ils se faufilèrent de justesse entre les voitures de patrouille.

Le temps de voir dans le rétro que les deux flics se levaient, et il fit face à la route. Ils arrivaient en haut d’une petite montée lorsqu’une balle perfora le coffre avec un bruit sourd. La voiture fut légèrement déportée, mais Richards put la maîtriser. Il était vaguement conscient que la femme hurlait.

— Reprenez le volant, nom de Dieu ! cria-t-il.

Elle fixait la route, comme hypnotisée. Ses mains trouvèrent le volant à tâtons, puis se refermèrent autour du cercle de plastique.

— Ils ont tiré sur nous, dit-elle soudain, d’une voix proche de l’hystérie.
Ils ont tiré...

— Arrêtez-vous sur le côté ! Vite !

Derrière eux, des bruits de sirènes approchaient.

Elle freina trop brutalement. La voiture s’immobilisa dans une gerbe de gravier après avoir fait un demi-tour sur elle-même.

— Je leur ai dit, pourtant, reprit-elle plus calmement, d’une voix exprimant une infinie surprise. Je leur ai dit, et ils ont tiré
quand même
...

Richards était déjà dehors et rebroussait chemin en clopinant. Au bout de quelques pas, il perdit l’équilibre et tomba lourdement, s’éraflant les genoux.

Lorsque la première voiture de police arriva en haut de la côte, il était assis sur le bas-côté, le pistolet levé à hauteur d’épaule. La voiture devait faire du cent quarante, et continuait à accélérer : un cow-boy de province avec trop de chevaux sous le capot et des visions de gloire dans la tête. Peut-être l’aperçut-il, et essaya-t-il de freiner. Sans importance : les pneus n’étaient pas à l’épreuve des balles. Le pneu avant droit explosa comme s’il contenait de la dynamite. Touchant à peine le sol, la voiture décrivit un arc de cercle, franchit l’accotement et percuta un gros hêtre, tandis que le conducteur traversait le pare-brise comme un boulet de canon pour aller s’écraser dans les fourrés, une trentaine de mètres plus loin.

La seconde voiture arriva presque aussi vite. Richards dut tirer à quatre reprises avant de toucher un pneu. Celle-ci tourna deux fois sur elle-même avant d’effectuer plusieurs tonneaux, en projetant de tous côtés des fragments de verre et de métal.

En se relevant, Richards vit sur sa chemise, juste au-dessus de la ceinture, une tache rouge-noir qui s’élargissait lentement. Pas le temps de s’occuper de ça. Il regagna l’air-car en clopinant, puis se jeta à plat ventre lorsque la deuxième voiture de patrouille explosa.

Il se releva en haletant. Sa respiration était curieusement gémissante. Il commençait à sentir une douleur sourde au côté. Pas tout le temps, mais par cycles. Amélia Williams aurait peut-être pu se sauver, mais elle n’avait même pas essayé. Elle fixait, médusée, la voiture qui brûlait au milieu de la chaussée. Lorsque Richards monta, elle eut un mouvement de recul.

— Vous avez tué ces hommes, dit-elle. Vous les avez tués.

— Ils ont essayé de
nous
tuer, ne l’oubliez pas. Repartez, vite !

— PAS MOI ! ILS N’ONT PAS VOULU
ME
TUER !

— 
Démarrez !

Elle obéit.

Le masque de la bourgeoise bon chic, bon genre était tombé, révélant une vérité plus brute venue de l’âge des cavernes. Yeux hagards, visage agité par des tics, un soupçon de bave aux lèvres.

Sept ou huit kilomètres plus loin, il y avait un petit magasin au bord de la route, avec deux pompes à air.

— Arrêtez-vous là.

Compte à rebours...
041

— Descendez.

— Non.

Il enfonça le canon du pistolet dans son sein droit.

— Non, gémit-elle. Non, par pitié...

— Désolé, mais ce n’est pas le moment de jouer à la princesse. Descendez.

Elle obéit. Il sortit du même côté qu’elle.

— Il faut que je m’appuie sur vous.

Il passa un bras autour de ses épaules et pointa le pistolet en direction de la cabine téléphonique. Ils s’en approchèrent pas à pas, couple grotesque pour film d’épouvante. Richards se sentait incroyablement fatigué. Dans son esprit, des images se succédaient sans trêve. La voiture s’écrasant contre l’arbre, le policier traversant les airs comme une torpille, l’explosion...

Le propriétaire du magasin sortit : un homme malingre aux cheveux presque blancs, portant un tablier de boucher crasseux. Il les fixa d’un regard apeuré.

— Restez pas là, dit-il d’une voix blanche. J’veux pas de vous ici. J’ai une famille. S’il vous plaît. J’ai assez d’ennuis comme ça. Je...

— Retourne dans ta boutique, grand-père.

L’homme ne se le fit pas dire deux fois.

Richards se glissa dans la cabine et mit cinquante
cents
dans la fente. Tenant le combiné et le pistolet de la même main, il composa le numéro de l’inter.

— Je suis à quel central ? demanda-t-il.

— Rockland, monsieur.

— Passez-moi le bureau local de Libertel-infos, s’il vous plaît.

— Vous pouvez faire le numéro directement, monsieur. C’est le...

— 
Passez-le-moi !

— Bien, monsieur, dit l’opératrice, imperturbable.

Il y eut une série de déclics. En baissant les yeux, Richards vit qu’une bonne partie de sa chemise était imbibée de sang. Il se détourna. Cela lui donnait envie de vomir.

— Libertel Rockland, annonça une voix. Ici le correspondant 6943.

— Ben Richards à l’appareil.

Après un long silence, la voix reprit :

— Ecoute, mon gars, c’est peut-être très drôle, mais on a d’autres chats à...

— Suffit. Vous en aurez confirmation dans dix minutes maximum. Immédiatement, si vous pouvez capter la fréquence de la police.

— Je... un instant, ne quittez pas.

Le bruit du combiné posé sur une table, puis un sifflement lointain. Lorsque la voix revint en ligne, elle était sèche, professionnelle, vibrant d’une excitation réprimée.

— Où êtes-vous ? La moitié des flics du Maine vient de traverser Rockland à deux cents à l’heure.

Richards se pencha pour lire l’enseigne du magasin.

— Au Gilly’s Store, sur la Une. Vous connaissez ?

— Ouais. Ne...

— Ecoute-moi bien, mon petit. Je ne t’ai pas appelé pour te raconter ma vie. Alerte les photographes. Vite. Et diffuse le message suivant, de toute urgence : J’ai un otage. Amélia Williams. Elle est de...

Il l’interrogea du regard.

— Falmouth, dit-elle d’une voix pitoyable.

— De Falmouth. Si on ne me donne pas un sauf-conduit, je la tue.

— Super ! Je me vois déjà prix Pulitzer !

— Non, tu chies dans ton froc, rétorqua Richards, qui avait du mal à rassembler ses pensées. Ne perds pas de temps. Je veux que les flics soient informés que le pays entier sait que j’ai un otage. A un barrage, on s’est fait canarder par trois de ces salauds.

— Que leur est-il arrivé ?

— Je les ai tués.

— Tous les trois ? Fabuleux !

Richards l’entendit crier à la cantonade : « Dicky ! Prépare-moi une nationale, top priorité ! »

— S’ils tirent de nouveau, je la tue, dit Richards en essayant de prendre un ton convaincant, comme dans les films de gangsters qu’il avait vus quand il était petit. S’ils veulent sauver la fille, faudra qu’ils me laissent passer.

— Quand...

Richards raccrocha et sortit péniblement de la cabine.

— Aidez-moi.

Elle le prit par la taille pour le soutenir. En voyant le sang, elle grimaça.

— Vous voyez où cela vous mène, dit-elle. Vous êtes complètement fou.

— Oui.

— Vous êtes fou, répéta-t-elle. Ils vont vous tuer.

— Ramenez-moi à la voiture et prenez le volant.

Il se laissa lourdement tomber sur le siège, à bout de souffle. Par instants, il perdait le contact avec la réalité. Une musique aiguë, atonale, résonnait à ses oreilles. Elle démarra et sortit lentement du parking. Son élégant corsage à fines rayures noires et vertes était barbouillé de sang. Richards eut le temps d’apercevoir le propriétaire, Gilly, entrouvrir la porte du magasin et lever un vieux Polaroïd. Son expression hésitait entre l’horreur et une joie enfantine.

Au loin, un chœur de sirènes de police.

Compte à rebours... 040

Ils arrivaient dans la banlieue résidentielle de Rockland. De plus en plus de gens aux fenêtres et sur les pelouses, caméra à la main. Richards se détendit.

— Les policiers du barrage, commença Amélia. Ils visaient les cylindres. C’était une erreur. Une simple erreur.

— Si cette larve visait les cylindres quand il a atteint le pare-brise, c’est qu’il a besoin de lunettes.

— 
Je vous dis que c’était une erreur !

Des maisons de vacances. Des allées sablonneuses menant à des villas de bord de mer.
Auberge de la Brise
. Chemin privé.
Moi et Patty
. Entrée interdite.
Villa Elisabeth. Mon repos
. Danger de mort. Tir à vue.
Les Nuages
. 5 000 volts.
Je plane
. Attention chiens policiers.

Des visages avides et des yeux vicieux les regardaient passer. Partout, les braillements du Libertel. Une atmosphère de carnaval.

— Tout ce qu’ils veulent, dit Richards, c’est voir couler le sang. Plus il y en aura, plus ils seront contents. Ils préféreraient sûrement que les flics nous tuent tous les deux. Vous n’avez pas cette impression ?

— Non.

— Eh bien, chapeau !

Un vieil homme à la barbiche argentée, portant un short à carreaux qui descendait au-dessous des genoux, accourut avec un appareil photo équipé d’un gigantesque téléobjectif. Se tordant en tous sens, il se mit à prendre photo sur photo. Ses jambes étaient blanches comme un ventre de poisson. Soudain, Richards éclata d’un rire explosif.

Amélia sursauta.

— Mais...

— Il n’a pas ôté le bouchon de l’objectif. Il ne...

Le rire le submergea de nouveau.

Ils approchaient du centre de Rockland. Plein de voitures arrêtées, des trottoirs noirs de monde. Rockland avait sans doute été jadis un joli port de pêche, avec des hommes en cirés jaunes allant en mer à bord de frêles embarcations. Jadis. Maintenant, il y avait des centres commerciaux partout. Des drive-in. Des bars. Des selfs. Sur la colline, avec vue sur la mer, de coquettes villas, des petits immeubles cossus. Autour du port, dont les effluves huileux leur parvenaient, un ramassis d’habitations misérables. Et au loin, la mer, bleue et grise et scintillante, toujours pareille à elle-même.

Devant eux, au bout de la rue, des voitures de police, dont les gyrophares lançaient des éclairs mal synchronisés, anarchiques. Il y avait même un véhicule blindé, qui les suivait du canon de sa mitrailleuse lourde.

— Vous êtes fichu, dit-elle, avec, semblait-il, une nuance de regret dans la voix. Faudra-t-il que je meure aussi ?

— Arrêtez-vous à cinquante mètres du barrage et faites votre numéro.

Richards se tassa jusqu’à ce que sa tête soit sous le tableau de bord. Un tic nerveux agitait son visage.

Elle s’arrêta, mais n’ouvrit pas la portière. Il régnait un silence surnaturel.
La foule retient son souffle
, pensa Richards ironiquement.

— J’ai peur, dit-elle. J’ai si peur...

— Ils ne vous feront rien. Il y a trop de monde. On ne tue pas les otages quand il y a des témoins. C’est la règle du jeu.

Elle le regarda un moment. Il regretta soudain de ne pouvoir l’inviter à prendre un café. Tout en versant du lait ― du vrai ― dans sa tasse, il l’écouterait discourir des raisons de l’inégalité sociale, des chaussettes qui se roulent en boule dans les bottines en caoutchouc, et de l’importance d’être sérieux.

— Allez, madame Williams, l’encouragea-t-il sur un ton doucement moqueur. Le monde a les yeux fixés sur vous.

Elle se pencha dehors.

Derrière eux, six voitures de police et un autre véhicule blindé étaient arrivés, bloquant leur ligne de retraite.

La seule issue, c’est droit vers le ciel
, se dit Richards avec philosophie.

Compte à rebours... 039

— Mon nom est Amélia Williams. Benjamin Richards m’a prise en otage. Il dit qu’il me tuera si vous ne nous laissez pas passer.

Dans le silence, Richards entendit la sirène lointaine d’un yacht.

Soudain, une voix assourdissante, asexuée, démesurément amplifiée, beugla :

— NOUS VOULONS PARLER À BEN RICHARDS.

— Non, murmura Richards.

— Il dit qu’il refuse.

— DESCENDEZ DE VOITURE, MADAME.

— Il va me tuer ! hurla-t-elle. Vous ne comprenez pas ce que je dis ? Au barrage précédent, on nous a tiré dessus ! Il dit que cela vous est égal de me tuer aussi.
Mon Dieu ! Aurait-il raison ?

— Laissez-la passer ! cria une voix rauque dans la foule.

— DESCENDEZ OU NOUS TIRONS.

— Laissez-la passer ! Laissez-la passer ! se mit à scander la foule comme dans un match.

— DESCENDEZ...

Le rugissement de la foule couvrit la voix amplifiée. Une pierre jaillit, étoilant le pare-brise d’une voiture de police. Peu après, des bruits de démarreurs. Plusieurs véhicules se déplacèrent, ouvrant un étroit passage. La foule poussa des vivats, puis se tut, attendant l’acte suivant.

— TOUS LES CIVILS DOIVENT QUITTER LA ZONE DES OPÉRATIONS. DANGER DE TIRS. LES ATTROUPEMENTS SONT INTERDITS. NE GÊNEZ PAS LE TRAVAIL DES FORCES DE L’ORDRE. DISPERSEZ-VOUS. TOUTE INSUBORDINATION EST PASSIBLE DE DIX ANS D’EMPRISONNEMENT, D’UNE AMENDE DE DIX MILLE DOLLARS OU DES DEUX. JE RÉPETE : DISPERSEZ-VOUS...

— C’est ça ! cria une voix surexcitée. Pour que personne ne vous voie tirer sur la fille. A bas les flics !

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