Les Assassins (6 page)

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Authors: R.J. Ellory

Tags: #Thriller

BOOK: Les Assassins
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RMC
 : Oui, la purification.

WH
 : C’était quoi, le deal ?

RMC
 : Le deal ? Mais il n’y avait pas de deal, inspecteur Hennessy. Je n’ai fait de deal avec personne. Il fallait juste que ce soit fait.

WH
 : D’accord, d’accord… On s’éloigne du sujet, Robert. Revenons juste à ce que tu disais à propos de ces jeunes qui devaient être purifiés après ce qu’on leur avait fait.

RMC
 : Après ce qu’on leur avait fait, oui.

WH
 : Réexplique-moi.

RMC
 : Ils devaient être purifiés.

[Note : À cet instant, l’inspecteur Gorman revient et donne une cannette ouverte de 7-Up à l’individu interrogé, Robert Melvin Clare.]

RMC
 : Merci, inspecteur Gorman.

FG
 : Mais je t’en prie, Robert. Désolé de t’avoir interrompu. Tu étais en train d’expliquer quelque chose à l’inspecteur Hennessy ?

RMC
 : Je lui parlais de la purification.

FG
 : Ah oui… Je t’en prie, continue.

RMC
 : C’étaient des choses sales, vous comprenez ? Des choses très sales… Le genre de choses qui souille à jamais l’âme et l’esprit. Et il n’y a rien qui puisse les débarrasser de cette saleté. Il faut leur donner une autre apparence.

WH
 : Aux petits couples ?

RMC
 : Exact. Les garçons comme les filles. Il faut leur donner une autre apparence.

WH
 : Pourquoi, Robert ? Pourquoi est-ce que tu devais leur donner une autre apparence ?

[L’individu se tait pendant à peu près quinze secondes.]

WH
 : Pourquoi, Robert ? Dis-nous pourquoi tu devais leur donner une autre apparence ?

RMC
 : Vous ne savez pas pourquoi ?

WH
 : Non, Robert, on ne sait pas. Dis-nous.

RMC
 : Pour que Dieu ne les reconnaisse pas. Pour qu’il ne les reconnaisse pas comme ceux qui ont fait ces choses très, très sales.

FG
 : Et qu’est-ce qu’il leur serait arrivé si Dieu les avait reconnus ?

RMC
 : Il ne les aurait pas laissés aller au paradis. Il les aurait jetés en enfer. Mais je les ai purifiés, vous comprenez ? Je leur ai donné une autre apparence et Dieu ne les a pas reconnus.

WH
 : Qu’est-ce qui leur est arrivé, alors, Robert ?

[L’individu se tait pendant environ dix-huit secondes.]

FG
 : Robert ?

RMC
 : Ils sont devenus des anges, inspecteur Gorman. Tous autant qu’ils sont. Dieu ne les a pas reconnus. Ils ont réussi à franchir les portes du paradis. Ils sont allés jusqu’au paradis et sont devenus des anges.

 

 

JERSEY CITY TRIBUNE
Vendredi 7 décembre 1984
Inculpation de l’homme suspecté
dans les assassinats au marteau

 

Dans un document officiel émanant de la police de Jersey City, l’inspecteur Frank Gorman, à la tête de la brigade criminelle du commissariat n
o
 2, a déclaré : « Ce matin, nous avons inculpé Robert Melvin Clare, résidant à Jersey City, pour les assassinats de Dominic Vallelly, Janine Luckman, Gerry Wheland, Samantha Merrett et Nadia McGowan, ainsi que pour la tentative d’assassinat de John Costello. Pour le moment, aucune demande d’avocat n’ayant été faite par M. Clare, un avocat commis d’office sera désigné afin de l’aider dans la préparation de son procès.
Robert Clare, âgé de 32 ans, né à Jersey City, habitant Van Vorst Street et travaillant comme mécanicien chez Auto-Medic Vehicle Repair and Recovery sur Luis Munoz Marin Boulevard, a été décrit par ses collègues comme un personnage « un peu excessif ». Le patron du garage, Don Farbolin, a refusé tout commentaire et s’est contenté de dire : « Ce n’est pas parce que je donne du boulot à quelqu’un que je suis responsable de ce qu’il fait quand il rentre chez lui. »

 

INTERROGATOIRES WARREN HENNESSY/FRANK
GORMAN-ROBERT MELVIN CLARE. SECTION 2 (PAGES 89-91)

FG
 : Tu penses vraiment que c’est ça qui leur est arrivé, Robert ? Qu’ils sont devenus des anges et qu’ils sont allés au paradis ?

RMC
 : Oui, c’est ce qui s’est passé.

FG
 : Tous les cinq ?

[L’individu se tait pendant environ vingt-trois secondes.]

WH
 : Robert ?

RMC
 : Ils étaient six.

FG
 : Cinq, Robert. Le dernier, le jeune garçon… Il va s’en sortir.

RMC
 : S’en sortir ? Mais c’est justement tout le contraire qui va
se produire, inspecteur.

WH
 : Apparemment, non. Les médecins disent qu’il va survivre.

RMC
 : Les médecins ? Je ne vous parle pas de médecins. Je vous parle de s’en sortir… S’en sortir aux yeux du Seigneur. Accéder
au paradis. Les cinq autres, eux, vont s’en sortir. Le sixième,
malheureusement pour lui, n’y arrivera pas. Désormais, il est maudit. Il porte en lui sa malédiction. Jusqu’à la fin.

FG
 : Bien. Dis-nous comment tu as choisi ces jeunes, Robert.
Dis-nous comment ça s’est passé.

RMC
 : Ils se ressemblaient tous, non ? Ils étaient tous jeunes, beaux, innocents, et ils faisaient des choses qu’ils n’auraient
pas dû faire. Dans la rue, en public. Tous. Tous faisaient ces choses-là et leurs visages devaient disparaître. Je devais les
faire disparaître, vous comprenez ? Je devais les faire partir. C’était la seule manière pour eux d’aller au paradis.

FG
 : Tu les choisissais au préalable ou tu sortais la nuit avec ton marteau ?

RMC
 : Ce n’était pas mon marteau.

WH
 : À qui appartenait-il ?

RMC
 : À Dieu. C’était le Marteau de Dieu. Vous n’avez donc rien écouté de tout ce que je vous ai dit ?

 

INTERROGATOIRES WARREN HENNESSY/FRANK
GORMAN-ROBERT MELVIN CLARE. SECTION 3 (PAGES 93-94)

FG
 : Parle-nous du premier couple, Robert… Dominic et Janine. Tu les as d’abord épiés pendant quelque temps ? Tu les as choisis ou c’est arrivé par hasard ?

RMC
 : Ils ont été choisis.

WH
 : Et comment s’est faite la sélection, Robert ?

RMC
 : Ils devaient avoir une certaine apparence, j’imagine. Je ne sais pas comment ils sont choisis.

WH
 : Tu les choisis ou est-ce que quelqu’un les choisit pour toi ?

RMC
 : Ils sont choisis pour moi.

WH
 : Et qui les choisit pour toi, Robert ?

RMC
 : Je ne sais pas.

FG
 : Tu ne sais pas ou tu ne te souviens pas ?

RMC
 : Je ne sais pas. Je sais que quelqu’un est envoyé, et quelqu’un me montre qui a été choisi.

FG
 : Quelqu’un est envoyé ?

RMC
 : Je n’ajouterai rien de plus.

FG
 : Très bien, très bien. Alors dis-nous ce dont tu te souviens à propos des deux premiers que tu as agressés.

RMC
 : Je me rappelle comment elle a crié… Comme si elle pensait qu’en faisant du bruit quelqu’un l’entendrait et viendrait à son secours. J’ai d’abord frappé le garçon. C’était une grosse erreur. J’ai appris qu’il fallait d’abord frapper la fille parce que c’est elle qui fait le plus de bruit, mais il faut être rapide et la cogner assez fort pour qu’elle se taise. Ensuite il faut frapper le garçon, avant qu’il ait la possibilité de réagir.

FG
 : Et qu’est-ce que tu as fait à la fille, Robert ?

RMC
 : Je l’ai vraiment bien purifiée. Je peux vous appeler Frank ? Ça vous dérange si je vous appelle Frank, inspecteur Gorman ?

FG
 : Pas du tout, Robert.

RMC
 : Frank et Warren. Bien.

FG
 : Tu disais donc ?

RMC
 : Oui… Elle a été arrangée bien comme il faut, Frank. C’est un bon prénom, Frank. Frank est un bon prénom… Un bon prénom masculin. Simple. On ne peut pas se tromper avec Frank. Pas vrai, Frank ?

FG
 : Non, Robert, on ne peut pas se tromper avec Frank. Continue de nous raconter ce qui s’est passé avec elle.

RMC
 : Elle avait mis des chaussettes blanches, il me semble – et des tennis. Oui, des chaussettes blanches et des tennis. Et elle avait du sang partout. Beaucoup de sang, je crois. Mais elle avait cette expression… On aurait dit qu’elle avait de l’espoir, quelque chose qui lui disait de faire comme si elle s’amusait et qu’elle pouvait s’en sortir vivante.

WH
 : Mais ça n’a pas été le cas, si, Robert ? Elle ne s’en est pas sortie ?

RMC
 : Non, elle ne s’en est pas sortie, Warren… Elle n’est plus jamais sortie nulle part, d’ailleurs.

FG
 : Et après ?

RMC
 : Et après, rien. J’ai frappé le garçon, j’ai frappé la fille, tout était fini. Je suis rentré chez moi. Sur le chemin, j’ai voulu m’arrêter pour manger une pizza, mais je n’avais pas trop faim.

 

 

JERSEY CITY TRIBUNE
Jeudi 20 décembre 1984
Le billet du rédacteur en chef
La mort du bien commun

 

En tant que rédacteur en chef du journal d’une grande ville américaine, pas un jour ne passe sans que je constate combien notre société a considérablement évolué. En vingt-trois ans de carrière dans la presse, j’ai lu les unes semaine après semaine, année après année, et j’ai le sentiment que le métier de journaliste aujourd’hui consiste moins à relater les faits qu’à assimiler l’horrible réalité de ce que les hommes sont capables de s’infliger les uns aux autres.
Il est consternant de voir qu’un homme en est réduit à demander au bureau du procureur de protéger son foyer et son commerce face à des gens qu’il qualifie de « fanatiques du meurtre ». (Voir à ce sujet, en première page : « L’employeur du “Marteau de Dieu” engage des poursuites contre des visiteurs clandestins. ») Don Farbolin vit et travaille à Jersey City depuis dix-neuf ans. Sa femme Maureen travaille à ses côtés dans le petit mais prospère garage qu’ils possèdent sur Luis Muñoz Boulevard, Auto-Medic Vehicle Repair and Recovery. M. Farbolin affirme que son chiffre d’affaires a chuté depuis l’arrestation de Robert Clare, aujourd’hui détenu à l’hôpital psychiatrique d’Elizabeth dans l’attente d’une expertise qui déterminera s’il est apte à être jugé pour cinq meurtres commis récemment. Cette dégringolade est due à la perte de sa clientèle, sa maison et son garage étant envahis par des gens en quête de n’importe quel « souvenir » ayant appartenu à Clare, le tueur en série. « Je ne comprends pas, explique M. Farbolin. Qui peut être assez détraqué pour vouloir posséder un objet ayant été la propriété de quelqu’un comme Robert Clare ? Ce type a tué des gens. C’était un être maléfique, c’est aussi simple que ça. J’ai l’impression d’être accusé par les gens au seul motif que j’ai eu la gentillesse de donner du boulot à quelqu’un. C’est injuste. Ce n’est pas l’Amérique que j’aime. » (La suite p. 23).

 

 

INTERROGATOIRES WARREN HENNESSY/FRANK
GORMAN-ROBERT MELVIN CLARE. SECTION 4 (PAGE 95)

WH
 : Qu’est-ce qui s’est passé ensuite, après ton retour à la maison, Robert ?

RMC
 : Je ne me souviens pas… Plus tard, quand tout…

WH
 : Tout quoi, Robert ?

RMC
 : Je ne me souviens plus.

FG
 : Dis-nous quelque chose dont tu te souviens.

RMC
 : Le sang. Je me souviens du sang. Je me souviens du bruit du marteau quand il a heurté le garçon. Et puis quand il a touché la fille, après. C’était la première fois pour moi et pendant un bref instant, ça m’a foutu la nausée. Mais je n’avais pas le choix. Je me rappelle avoir regardé la première fille… Son changement d’expression, vous voyez ? Les choses qui lui étaient faites…
La manière dont elle est devenue femme avant même d’être assez vieille pour comprendre ce qu’être femme signifie. Je voyais ces choses-là. Elles me rendaient fou, Frank. Vraiment fou. Tous ces baisers, toutes ces mains baladeuses…

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