Read Merci pour ce moment Online

Authors: Trierweiler,Valérie

Tags: #Autobiographie

Merci pour ce moment (17 page)

BOOK: Merci pour ce moment
7.14Mb size Format: txt, pdf, ePub
ads

Je suis seule. Vraiment seule. Pas une voix de femme, pas même une féministe pour me défendre. François me renvoie son indifférence, comme si le problème ne le concernait pas. Je suis affublée de ce surnom infâme et ça ne le dérange pas.

Une collègue de
Paris-Match
fait circuler comme un bon mot que je suis le « Rottweiler » de François Hollande, son molosse. L’expression fait florès. La médisance est une maladie malheureuse bien que souvent bénigne entre amis. Mais les conséquences sont décuplées quand on peut s’adonner, comme aujourd’hui, au petit jeu de la cruauté avec le monde entier sur les réseaux sociaux. Les sociétés connectées favorisent ce que les chercheurs américains appellent une « épidémie de dénigrement » et une « culture de l’humiliation ».

À l’époque, je n’ai pas encore appris à supporter les attaques, cela viendra ensuite. Elles sont dures et je me sens salie. C’est mon talon d’Achille. J’essaie de ne pas montrer à mes enfants à quel point je suis touchée – pas loin d’être coulée – par tous ces livres et ces sarcasmes, parce qu’eux aussi accusent le coup. Je dois tenir mais c’est violent. Avoir appris, jeune, à combattre l’adversité a déformé ma vision du monde. À force de voir des adversaires partout, je m’en suis fait beaucoup.

Je sais pourtant que ce mauvais sort ne m’est pas réservé en propre. Je me souviens des larmes de Carla Bruni-Sarkozy lors de la passation de pouvoir. Les premières dames étrangères me font aussi des confidences sur le traitement médiatique qu’elles ont toutes subi, à un moment ou à un autre.

Il y a des reproches récurrents dans les attaques, quel que soit le pays ou les personnalités des unes et des autres. Les femmes de chefs d’État sont presque toujours suspectées de se mêler des affaires de leur mari, d’avoir de l’ambition pour deux et de dépenser l’argent public de manière indue… Leur réputation est flétrie par la rumeur.

L’une d’entre elles me confie qu’elle souffre d’entendre tout ce qui se dit d’elle parce qu’elle a vingt ans de moins que son mari et qu’elle aurait « mis la main sur un Président ». Je me dis que voilà au moins une chose que l’on ne peut pas me reprocher. Il n’était même pas président de… Conseil général.

Un soir, l’épouse du Premier ministre japonais Abe me fait beaucoup rire, en me racontant qu’elle a été vilipendée pour avoir soutenu l’un de ses amis aux élections sénatoriales. Cela me console un peu de mon tweet malheureux. Elle raconte avec un humour délicieux qu’à chaque fois qu’elle prend la parole, les médias se déchaînent. Il faut dire qu’elle n’hésite pas à se proclamer antinucléaire quand son mari prend des décisions inverses.

Je noue de vrais liens avec l’épouse de l’ancien président malien Traoré. Encore aujourd’hui, alors que je ne joue plus aucun rôle, Mintou Traoré continue de prendre régulièrement de mes nouvelles. Lors de mon premier voyage en solo, c’est elle qui m’accueille au Mali, en mai 2013. Au même moment, le président malien est en France avec François. Il y a quelque chose de symbolique. Les hommes occupent le terrain militaire et nous les femmes celui de l’humanitaire.

Nous nous rendons à Gao avec les membres de l’opération Serval en Transall. Je mesure alors la grandeur des militaires, un monde que je ne connaissais pas. Je suis touchée de les voir sur place, au service de la population traumatisée par les exactions des jihadistes.

Nous visitons une école dans laquelle il n’y a rien : ni tables ni chaises, ni livres, ni crayons. Nous avons apporté des ouvrages scolaires. À l’hôpital, si démuni, j’entre dans une pièce où se trouvent les jeunes accouchées. L’une d’entre elles vient de mettre au monde des jumeaux, une fille et un garçon. Ils n’ont que deux heures et pas encore de prénom. Mintou me les confie d’autorité dans les bras, en lançant :

– Lui, c’est François et elle, c’est Valérie !

Éclat de rire général. C’est l’une des photos-souvenir que je préfère. Si vraiment ces deux-là s’appellent aujourd’hui François et Valérie, je leur souhaite davantage de bonheur…

Nous déjeunons sous la tente du campement militaire, au milieu des soldats et de leur commandant, par 45 
o
C à l’ombre. Partout où j’arrive, je dois adresser quelques mots, parfois même un mini-discours. Je ne sais pas faire ça. J’improvise. À ma mesure, je commence à comprendre le plaisir que peut éprouver François à vivre des moments pareils.

Un avis de tempête s’annonce, la pluie commence à tomber en trombe. Tout le monde court partout. C’est la première pluie de la saison. Les journalistes s’amusent. Ils disent que j’ai hérité du pouvoir de François : faire pleuvoir partout où il va, comme au début du quinquennat ! Le vent se lève avec force et nous devons accélérer notre départ.

À Bamako, je visite l’hôpital et l’orphelinat. Ce que je vois là-bas s’inscrit à jamais en moi : des dizaines de nourrissons, tout juste nés et en détresse respiratoire ou grands prématurés. Leur chance de survie est compromise. À notre retour, une mission médicale sera envoyée pour tenter de comprendre pourquoi il existe autant de nouveau-nés en souffrance dans cet hôpital. Jamais non plus je n’oublierai la situation des enfants handicapés à la pouponnière. Tous assis par terre en file, quelque soit leur handicap, dans un couloir sordide.

Le Mali a stoppé toute possibilité d’adoption internationale. Je me suis fixé l’objectif de demander au Gouvernement de revenir sur l’annulation de l’agrément de soixante-dix familles françaises. Car la nouvelle loi est rétroactive et ces familles ont vu leur espoir s’envoler après avoir fêté la bonne nouvelle d’un enfant à venir. Avant mon départ, j’ai reçu à plusieurs reprises le « collectif adoption Mali ». J’ai vu leur détresse, je leur ai promis mon aide, avec l’accord du Président. Mais sur place, je comprends qu’il faut laisser passer les élections maliennes. Je retourne plus tard à la charge avec l’épouse du nouveau Président. Les choses avancent. Lentement, mais elles avancent. Les familles me donnent encore aujourd’hui des nouvelles. J’espère pour elles…

Juste avant notre départ du Mali, une conférence de presse est organisée. Une question sur l’engagement de la France au Mali est posée à Madame Traoré. Sa réponse est directe : « Un homme, quand il se couche, il n’a pas pris de décision. Il la prend avec celle qui est à côté de lui. Et celle avec qui François Hollande couche, c’est Valérie. » Nous explosons de rire.

Le Mali est une terre émotionnelle. J’ai compris la fierté de François lorsqu’il y est allé en tant que chef des Armées après l’intervention française. Mais il m’a choqué lorsqu’il a affirmé qu’il « s’agissait du plus beau jour de sa vie politique ». Moins d’une minute plus tard, je lui en faisais le reproche par message : « Si le plus beau jour de ta vie politique n’est pas le jour où les Français t’ont élu président de la République, alors ils ont eu tort ». Je ne le ménageais pas, c’est vrai. Mais qui osait encore lui parler franchement parmi cette horde de courtisans, de « complimenteurs » ? Personne, je le crains. Il ne supportait plus la critique. Il valait mieux se taire pour ne pas se prendre une volée de bois vert.

L
’été 2014 approche et des rumeurs circulent sur l’officialisation du couple Hollande/Gayet, annoncée pour l’été. Ils se verraient toujours. Par texto, François prend les devants et m’affirme pour la énième fois que c’est faux, que c’est fini, qu’il veut me retrouver moi, que cette fille, ce n’est rien. Il entonne la chanson éternelle des infidèles.

Tous les jours, François demande à me voir. Il ne relâche pas la pression. Je ne lui réponds plus. Ne pas savoir où est la vérité et où est le mensonge m’empêche de reconstruire ce petit noyau de confiance, je le sais désormais, sans lequel toute relation avec autrui est une impasse.

Pour la troisième fois, François me promet de démentir publiquement sa liaison avec l’actrice. Pour la troisième fois, il ne le fait pas. Maintient-il deux fers au feu pour ne pas finir seul ? Garde-t-il le contact avec moi parce qu’il craint ma liberté ? Il finira par démentir la rumeur de mariage le 12 août, jour de ses soixante ans. Il me propose d’être avec lui ce jour-là. Et ajoute : « C’est à toi de me dire oui. »

Je dois tourner la page. Chaque jour je tiens bon en me citant cette magnifique phrase de Tahar Ben Jelloun que je connais par cœur : « Le silence de l’être aimé est un crime tranquille ». Lequel de nous deux souffre le plus ? Je l’ignore. Il tente d’avoir de mes nouvelles par des amis ou mon fils qu’il voit toujours. Il veut savoir ce que je fais, qui je vois, ce que je pense. Interroge tout le monde pour savoir pourquoi je ne veux plus le voir.

La première fois que nous nous sommes revus, après le communiqué de rupture, il m’a dit :

– Je ne te parle pas de ton livre, car je ne veux pas que tu croies que je reviens par peur de ça.

Je ne veux rien savoir de sa vie, ne rien connaître de ce qu’il se passe à l’Élysée. Ma télévision reste éteinte et je ne lis toujours pas les journaux. Chaque kiosque que je croise me paraît un lieu radioactif, où je n’ai que des coups à prendre.

Je m’enferme dans un monde réduit, une bulle fragile. J’essaie de lutter, sans cette énergie du désespoir des premières semaines. On appelle cela le contre-coup, paraît-il. Comme si le coup ne faisait pas suffisamment mal. Il en faut un autre. Un aller et un retour. Deux gifles. L’une dans un sens, l’autre en contresens. À peine le temps de se relever, il faut supporter un deuxième assaut.

François m’a fait tant de mal. Et pourtant il me manque parfois, c’est vrai. Le passé me manque, notre amour, notre passion insouciante me manque, les heures où tout semblait facile, où les couleurs étaient plus fortes, l’air plus léger. Mais le passé ne revient jamais. Ou alors en bouffées violentes qui m’anéantissent : le passé ne veut pas mourir, surtout celui d’avant l’Élysée, lorsque François était un autre. Ou plutôt, lorsqu’il était lui.

Ses messages me parlent d’amour. Il m’écrit que je suis toute sa vie, qu’il ne peut rien sans moi. Est-il sincère ? Croit-il ce qu’il écrit ? Ou suis-je le dernier caprice d’un homme qui ne supporte pas de perdre ? Il m’écrit qu’il me regagnera, comme si j’étais une élection. Je le connais si bien maintenant : s’il parvient à me reconquérir, à rééditer l’impossible, il se dit peut-être qu’il pourra également regagner le cœur des Français, alors qu’il est le Président le plus impopulaire de la
v
e
 République.

En moi, la confiance est morte. Pour les Français, c’est bien sûr une toute autre affaire. Je peux juste témoigner que le pouvoir change. Je ne reconnais pas le François que j’ai aimé passionnément dans l’homme qui traite désormais ses collaborateurs avec mépris, après m’avoir réservée le même traitement. Je l’ai vu se déshumaniser, jour après jour, sous le poids des responsabilités, et être gagné par l’ivresse des puissants, incapable d’empathie. Se prendre pour un seigneur. Comme lors de ce dîner avec sa garde rapprochée de la promotion Voltaire, cela m’avait frappée : trente ans qu’ils attendaient le pouvoir. Ils l’avaient enfin et se considéraient comme des demi-dieux, pleins d’arrogance.

Un autre jour, au cours d’une promenade, il me dit, alors que nous parlions de Fabius :

– C’est terrible pour lui, il a raté sa vie.

– Pourquoi dis-tu ça ?

– Parce qu’il n’est jamais devenu président.

– Mais ça ne veut pas dire qu’il a raté sa vie. Il a l’air heureux dans ce qu’il fait et avec sa compagne. Et toi, es-tu heureux ?

– Non.

Mes journées s’écoulent lentement, rythmées par les
sms
du Président, que je ne peux m’empêcher de lire. Un, trois, cinq. Et je finis par craquer. Je réponds à son dernier message. Il réagit aussitôt. La farandole repart et s’enroule sur elle-même. Je suis épuisée de ces échanges qui ne mènent à rien. Ses mots n’ont plus de valeur pour moi. J’y mets à nouveau fin. Jusqu’à quand ? Je veux m’éloigner de François que je ne comprends plus et de l’Élysée devant lequel je ne passe jamais, quitte à faire un détour en voiture.

Je suis prête à partir n’importe où pour échapper à ce nœud de chagrin.
Match
me demande si j’accepterais de partir en reportage au Nigéria sur la trace des lycéennes enlevées par Boko Haram. Chaque jour, je tente de mobiliser l’opinion en leur faveur, avec mes moyens, le plus souvent via mon compte Twitter ou par des opérations médiatiques. J’accepte donc la proposition de mon journal de partir dans l’heure, la minute s’il le faut. Mais le projet bute sur l’obstacle des visas. Le Nigéria fait barrage.

Alors que je reviens de la République démocratique du Congo, où je soutiens les enfants des rues et les femmes violées aux côtés du docteur Mukwege, l’idée de repartir me donne plein d’énergie. Comme lors de mon voyage à Haïti avec le Secours populaire, la rencontre des plus démunis me renvoie à l’essentiel.

Il arrive que l’action humanitaire soit critiquée, avec la médiatisation qui l’accompagne. Qui a raison, qui a tort ? Il y a quelques années, pour
Paris-Match,
j’ai accompagné la cantatrice Barbara Hendricks en Éthiopie dans un camp de réfugiés. Depuis des années, cette femme charismatique, pétrie de talents, a mis sa notoriété au service de causes humanitaires. Elle est née dans l’Amérique de la ségrégation et en garde la marque au fer rouge. De cette humiliation, elle fait une force. J’ai été frappée par sa puissance de conviction, qui soulève des montagnes. Comme elle, je ne supporte pas l’idée qu’un enfant naisse sans aucune chance de s’en sortir. Elle est ensuite venue me voir à l’Élysée pour parler du nombre croissant de refugiés dans le monde.

Mon expérience de première dame a renforcé ma certitude que ces voyages sont utiles. Ils cristallisent des énergies et offrent aux équipes sur place un coup de projecteur précieux.

Je reçois les dirigeants d’Action contre la faim. Nous évoquons un projet de visite avant la fin de l’année dans un pays en guerre. Comme pour le Nigéria, les zones dangereuses ne me font pas peur. Sans doute suis-je un peu inconsciente. Ma vie a perdu de son sens. Que serais-je devenue sans mes enfants ? Pour retrouver mon chemin, je peux prendre quelques risques.

Nous reparlons de mon déplacement en Inde au lendemain du communiqué de rupture dicté par François Hollande à l’AFP, voyage au cours duquel la représentante d’ACF m’avait accompagnée. Elle m’en parle avec chaleur.

– Vous avez résisté à la pression médiatique et vous avez beaucoup donné. J’ai vu peu de gens comme vous sur le terrain.

J’y étais avec mon amie Charlotte Valandrey, l’actrice atteinte du VIH et au cœur greffé. Elle sait ce que signifie le mot survivre, elle l’a raconté dans plusieurs beaux livres. Elle m’explique comment reprendre le dessus, le contrôle de moi-même.

Ses mots me font du bien. J’avais été jetée à la face du monde comme un rien. En maintenant mon voyage en Inde, je voulais montrer au petit cercle qui se réjouissait de mon éviction que je restais digne. Que je ne valais pas son mépris. Je voulais montrer à François que je m’en sortirais sans lui.

Les autres m’ont donné leur force. Les enfants du bidonville m’ont transmis leur joie. Il y a quinze jours, un magazine a publié une photo de ce voyage. Je suis assise par terre, en tailleur. Une petite fille installée sur mes genoux. J’ai une main sur sa jambe et elle une sur la mienne. Paris est loin, je suis heureuse d’être là.

En Afrique du Sud, lorsque j’étais première dame, les enfants de l’orphelinat m’ont emmenée danser avec eux. Je l’ai fait bien volontiers. Il ne faut jamais me forcer longtemps pour m’entraîner sur des rythmes endiablés.

Même chose au Burundi quand, invitée par Mary Robinson pour une conférence, les musiciens m’incitent à les accompagner au son de leurs percussions. J’ai été heureuse à chaque fois que je m’échappais du « programme Madame » lors des voyages officiels. Quand on me proposait un musée ou une visite touristique, je déclinais. Je voulais quitter les sentiers battus.

Du Burundi, et d’un voyage effectué seule comme première dame en juillet 2013, je garde en mémoire le visage d’Olivier. Je le rencontre lors de la visite d’un foyer pour enfants des rues – des garçons exclusivement – accueillis pendant six mois, le temps de les resocialiser. Ils sont réunis en cercle. Trois d’entre eux prennent la parole, dont Olivier. Certains êtres dégagent quelque chose qui frappe et retient l’attention. Il fait partie de cette catégorie.

– Je ne veux pas retourner à la rue, je veux faire des études, je veux devenir médecin. Qu’est-ce que je vais devenir si je retourne à la rue ?

En partant, je demande à la femme de l’ambassadeur une faveur. J’aimerais qu’elle ne perde pas la trace d’Olivier, le temps que je trouve une solution pour lui. Deux jours après mon retour à Paris, un couple de médecins, sans enfant, accepte de prendre en charge ses études ainsi que sa pension au sein d’une famille sur place. Olivier ne sera pas déraciné et pourra accomplir son rêve.

Depuis un an, il fait des progrès fulgurants à l’école. Le couple de médecins lui parle toutes les semaines sur Skype. Si tout va bien, croisons les doigts, il viendra dans huit ans faire ses études de médecine en France.

Combien d’enfants n’auront pas sa chance ? En vingt mois seulement à l’Élysée, j’ai vu tellement de foyers d’enfants ou d’hôpitaux remplis de malades. Il y a de quoi être envahie par un sentiment d’impuissance. Jusqu’au moment où l’on comprend qu’une goutte d’eau s’ajoute à une autre. Et que petit à petit, on peut faire davantage. Et que si cette goutte d’eau n’existe pas, elle manque.

Il y a Olivier, mais il y a aussi Solenne, que je rencontre par l’association ELA, dont le parrain est Zidane. Le président de cette association, Guy Alba, est le premier à me solliciter, juste après le tweet de La Rochelle, au moment où j’ai le sentiment d’avoir attrapé le choléra et d’être si contagieuse que personne ne veut m’approcher. Il m’explique ce qu’est la leucodystrophie, une maladie génétique qui entraîne chez l’enfant une terrible et inexorable dégénérescence de son système nerveux.

J’accepte de venir faire une dictée dans une école, pour aider à faire connaître cette maladie rare et encourager les dons. Dans la classe de 3
e
d’un collège du
xiii
e
arrondissement de Paris, je prononce le texte de la dictée, devant un mur de caméras et de photographes. Solenne est là dans son fauteuil roulant, accompagnée de ses parents. C’est une belle petite fille blonde, pleine d’humour. Les élèves de 3
e
installés au premier rang pleurent. Je me retiens car, pour avoir rencontré de nombreux parents d’enfants handicapés, je sais que ce n’est pas ce qu’ils attendent : pas de compassion mais un soutien.

Solenne m’écrit ensuite pour me dire que ce moment a changé sa vie. Les quelques lignes de cette lettre lui ont pris deux heures tant ses facultés motrices sont réduites, mais elle a été pour la première fois au centre de l’attention. Je garde sa lettre et lui réponds. Je l’invite au Noël de l’Élysée bien que les invitations soient limitées aux enfants de moins de douze ans.

Ce jour-là, je veux faire un geste pour Solenne et d’autres jeunes filles orphelines, trouver un cadeau qui ne se réduise pas à une figure imposée. Je veux marquer le coup. Comme je sais Solenne coquette, je demande à la directrice de cabinet du Président, Sylvie Hubac, la permission d’acheter six sacs de la créatrice Vanessa Bruno, dont les adolescentes des beaux quartiers raffolent.

– Mais c’est cher, prends plutôt des imitations, me répond-elle.

Comme quoi on peut avoir fait l’ENA et manquer de bon sens.

– Sylvie, c’est impossible. Nous sommes à l’Élysée, nous ne pouvons pas offrir de la contrefaçon !

Elle a peut-être raison pour le coût, même si la recherche de la normalité et la réduction des dépenses de l’Élysée conduit parfois à de drôles de propositions. Ainsi, parce que c’est gratuit, un spectacle avec Astérix et Obélix est envisagé. Mais le producteur met une condition : que le Président vienne accueillir les comédiens déguisés en Astérix et Obélix sur le perron de l’Élysée, en déroulant le tapis rouge, comme s’ils étaient des chefs d’État. Je l’arrête à temps, je crains le ridicule de l’image pour François. Mais après tout, ce n’était pas plus ridicule qu’un Président qui se cache sous un casque intégral.

Nous trouvons la solution. Les petites filles reçoivent quand même leur sac Vanessa Bruno, non contrefait, car la créatrice les offre avec générosité quand elle apprend les destinataires de ces cadeaux. Avec la complicité de sa maman, je fais aussi la surprise à Solenne d’aller la chercher à la sortie de son école spécialisée pour lui offrir un goûter à l’Élysée. Mes officiers de sécurité acceptent de bonne grâce de porter Solenne.

Depuis deux ans, nous restons en relation. J’ai revu Solenne il y a dix jours, elle était folle de joie à l’idée d’accueillir son handi-chien après deux ans d’attente. Elle est allée à Alençon, avec son père, pour apprivoiser son nouvel ami, celui qui va l’aider dans sa vie de tous les jours. C’est un compagnon à 15 000 euros, car le dressage du chien et l’apprentissage mutuel coûte cher. Tout cela grâce aux dons.

Comme première dame, je réalise au fil des mois que j’ai un rôle à jouer dans l’appel à la générosité pour la prise en charge du handicap. Le matériel est sophistiqué et ne peut pas être pris à 100 % en charge par la Sécurité sociale.

Je me souviens du fauteuil roulant électrique de Théo, amputé des deux bras et des deux jambes à l’âge de six ans après une méningite rarissime. Ou celui de son idole, Philippe Croizon, privé également de ses quatre membres après une électrocution. Je vois cet homme à la télévision et je l’entends à la radio. Ce héros m’épate par sa force : il a traversé la Manche à la nage et s’apprête à relier les cinq continents. Nicolas Sarkozy, quand il était Président, l’a décoré, il a besoin de notoriété pour trouver les sponsors qui l’accompagneront dans son rêve.

BOOK: Merci pour ce moment
7.14Mb size Format: txt, pdf, ePub
ads

Other books

Lone Lake Killer by Maxwell, Ian
Steele by Kathi S. Barton
An Infinity of Mirrors by Richard Condon
Wakulla Springs by Andy Duncan and Ellen Klages
Blog of a Bully by Zanzucchi, Stephen
The October Light of August by Robert John Jenson
A Death of Distinction by Marjorie Eccles