La Bible du crime (NON FICTION) (French Edition) (30 page)

BOOK: La Bible du crime (NON FICTION) (French Edition)
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28 juillet
1865

Dernière pendaison publique en Écosse.

C
ent mille personnes assistent à Glasgow à l’exécution du docteur Edward William Pritchard, un empoisonneur récidiviste à l’antimoine.

29 juillet
1924

Naissance d’Elizabeth Short, dite « Le Dahlia Noir ».

C
ette affaire non résolue célèbre inspire les créateurs avec une vingtaine d’œuvres de fiction, parmi lesquelles des écrivains tels que James Ellroy, John Gregory Dunne, Joyce Carol Oates, Max Allan Collins, Miles Hyman ou Pierre Lemaître. Les cinéastes ne sont pas en reste avec une douzaine de films, pour la plupart médiocres. Les meilleures versions restent
Who Is the Black Dahlia ?
de Joseph Pevney en 1975 et
True Confessions
(
Sanglantes confessions
) d’Ulu Grosbard en 1981.

30 juillet
1933

Double exécution à Angoulême par le bourreau Anatole Deibler.

Q
uoi de plus émouvant qu’une belle histoire de bourreau, et Anatole Deibler est sans conteste le plus célèbre des chasseurs de têtes français. Tiré du journal
Police Magazine
, en 1933, voici le récit des vingt-quatre heures de « M. de Paris » qui part trancher dans le vif à Angoulême :

 

« Le samedi 15 juillet, M. Deibler taillait des roses dans le petit jardin qui entoure sa villa d’Auteuil, quand un agent cycliste sonna à la porte. Par un étroit judas, le bourreau dévisagea l’importun.

— Passez-moi le pli sous la porte ! dit-il.

Or, d’où il se tenait, l’exécuteur ne pouvait apercevoir le message que l’agent portait en main. Sans doute, la seule vue du képi galonné lui avait appris ce que cette visite signifiait.

Je l’avais moi-même deviné. Pas depuis très longtemps ; il y avait six mois que je guettais cette aventure, six mois qu’un soir, mon directeur m’avait dit :

— Il faudra, un jour, suivre Deibler !

Suivre le bourreau ? C’est-à-dire le prendre chez lui au moment précis où on lui donne l’ordre d’aller exécuter un assassin dans une ville de province.

J’avais donc loué, depuis six mois, dans un hôtel voisin, une chambre dont les fenêtres donnaient sur son jardin. J’avais, des semaines durant, surveillé ses allées et venues ; je l’avais vu, chaque matin, se promener sur les berges de la Seine, tenant en laisse un
petit griffon au poil noir ; je l’avais vu souvent sortir au volant de sa conduite intérieure bleu roi. Trois fois cependant, en dépit de ma surveillance, il m’avait filé entre les mains ; je l’avais vu à trois reprises revenir d’une exécution en province.

Je désespérais même de surprendre jamais un de ses départs. Pas un de ses voisins n’avait pu me dire comment le Ministère le faisait prévenir.

Les huissiers de la direction des Affaires criminelles et des Grâces, rue Cambon, observaient à ce sujet un mutisme complet. Tout ce que j’en pus tirer se résumait à ceci : l’exécuteur n’était jamais prévenu ni par lettre, ni par télégramme… Qui donc lui apportait le mandat d’opérer ? Comment prévenait-il ses aides ? Quand se rendait-il à la Santé pour ouvrir le hangar qui renferme la guillotine ?

Lorsqu’à la mi-juin, Deibler fut rentré de Coutances où il était allé trancher le cou à Delanoé, je fus frappé de ce que, cinq ou six jours avant son départ, un agent cycliste s’était présenté chez lui, porteur d’une petite enveloppe bleue.

Le même fait s’était également produit quelques jours avant l’exécution de Martien Evaux, au Puy, et celle de Xavier Cornet, à Reims. La venue de l’agent cycliste déclenchait donc à coup sûr les guillotinades de province. J’étais fixé ; il ne me restait plus qu’à attendre le prochain passage de l’agent…

Il revint le 15 juillet. Mes efforts n’avaient pas été vains. Je tenais la terrible nouvelle. Il s’agissait donc de ne plus lâcher Deibler d’une semelle. Un rapide coup d’œil sur les dossiers de condamnés à mort en instance me révéla que les avocats de deux garçons de culture
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assassins, détenus à la prison d’Angoulême, avaient été reçus, six jours avant, par le président de la République.

Deibler, à n’en plus douter, allait partir en Charente. L’après-midi du dimanche 16 juillet, le bourreau, contre son habitude, ne sortit point. Mais le dimanche soir, à la nuit tombée, il se rendit aussi discrètement que possible rue du Point-du-Jour, avenue de Versailles, et enfin rue de la Convention. Il entra, en se dissimulant, dans les trois immeubles où je savais que ses aides demeuraient. Les aides prévenus, la prochaine exécution devenait imminente.

Le lundi matin, ma voiture filait derrière celle du bourreau. Mlle Deibler était, ce jour-là, au volant de la conduite intérieure bleu roi. Elle gagna à vive allure la gare de marchandises du réseau de Paris-Orléans et je pénétrai, derrière le bourreau, dans les bureaux d’expédition en grande vitesse. Le sous-chef de service reçut l’exécuteur qui, sans dire mot, tendit à l’employé une feuille revêtue du cachet de la justice.

— Pour demain matin, est-ce possible ? demanda-t-il.

Les doigts du cheminot se mirent à trembler.

— Mais oui… C’est entendu ! balbutia-t-il.

Sans remercier ni saluer, l’exécuteur quitta le bureau de la gare. Je n’avais plus besoin, maintenant, de le suivre. Le texte de la réquisition qu’il venait de remettre au sous-chef me passionnait davantage. Une heure après, je la tenais en main. Elle n’était pourtant pas bien terrible, cette note. Elle disait :

“Vu l’article 4 du décret du 25 novembre 1870.

Requérons la Compagnie des Chemins de fer de Paris-Orléans de transporter de Paris à Angoulême (aller et retour) les instruments de justice qui accompagnent Mr. Deibler, exécuteur en chef des Arrêts criminels.

La voiture devra être couverte d’une bâche.”

— Quand doit-il vous amener son fourgon ?

— Demain matin, mardi, à 10 h 30, répondit l’employé.

Le lendemain matin, à 9 h 30, accompagné cette fois de notre reporter-photographe, je surveillais sans impatience la porte de la Santé. Le bourreau arriva en voiture vers 10 heures.

— Le “cobaye” est-il là ? interrogea-t-il.

Le gardien chef hocha la tête :

— Pas encore vu, M. Deibler !

De quel “cobaye” s’agissait-il ?

Je n’allais pas tarder à être fixé. Deibler était rentré dans la prison et sans doute préparait-il ses couperets. L’exécuteur possède à la Santé, tout de suite à gauche, en entrant sous le porche, un petit hangar qu’il s’est fait édifier à ses frais. Il y remise deux guillotines jumelles, construites également sur ses propres deniers. Deux jumelles ! Le terme n’est pas tout à fait exact, car l’une des deux
machines est plus haute et plus massive : c’est celle qui sert aux décapitations opérées boulevard Arago. L’autre, plus frêle mais non moins sûre, est celle que le bourreau emporte avec lui en province.

C’était celle qu’il préparait en attendant la venue du “cobaye”. Le gardien qui, depuis un moment, surveillait la rue lança soudain des appels du geste et de la voix à un vieil homme qui arrivait traînant en remorque un vieux cheval.

— Hé, “Coupe-en-deux”, dépêche-toi un peu avec ton “cobaye” !

Le charretier, c’était “Coupe-en-deux”. Le cheval, c’était le “cobaye”.

L’argot de la guillotine est une étrange langue.

“Coupe-en-deux” est un vieux charretier de la rue des Cordelières qui conduit depuis plus de trente ans, dans Paris, le fourgon du bourreau. “Coupe-en-deux” a vu tomber trente-cinq têtes boulevard Arago. Il a embarqué la guillotine plus de quatre cents fois dans les diverses gares de la capitale.

Le mardi 18 juillet, à 10 heures du matin, il quittait donc une fois de plus la Santé, sur le siège de la sinistre tapissière qui, tant de fois, a fait le tour de France ; car notre bourreau est à coup sûr une curiosité unique au monde : sans se lasser jamais, Deibler va de ville en ville couper les têtes, comme d’autres vont placer des barriques de vin.

Le fourgon des Bois de justice ressemble d’ailleurs, étrangement, à une roulotte foraine, et lorsque “Coupe-en-deux” quitte la Santé avec cette voiture, il ne manque jamais de lancer sa traditionnelle plaisanterie :

— Voilà “Guignol” qui s’en va !

Anatole Deibler, encore sans défiance, accompagna son fourgon jusqu’au quai d’embarquement, mais lorsqu’il eut aperçu le photographe, il plaqua là le chargement des Bois et, à travers les halls encombrés de bagages, il regagna précipitamment sa voiture.

“Coupe-en-deux”, resté seul avec nous, se prêta aux confidences.

— Deibler vous donne-t-il de bons pourboires ?

La réponse partit du cœur :

— Dame non !... Il est bien trop avare. Il m’accorde tout au plus quinze francs par déplacement. Aujourd’hui, grâce à vous, il m’a donné vingt francs. “Je suis embêté par les journalistes, m’a-t-il dit, arrange-toi pour expédier la voiture tout seul…”

— Accompagnez-vous parfois Deibler en province ?

— Non… Pourtant si, une fois, en 1922, pour Landru. Comme il fallait que l’exécution fût tenue secrète le plus longtemps possible, on a hésité à envoyer “Guignol” par chemin de fer ! Nous sommes donc partis en pleine nuit, de la Santé. Il gelait à pierre fendre. Deibler avait l’onglée.

— Quand va-t-il partir avec ses aides ?

— Demain matin, à la gare d’Orsay ; j’ai lu ça sur sa feuille de route. Je crois qu’en nous quittant il a été retenir un compartiment de 2
e
 classe dans l’express de Bordeaux…

En cette période, les trains sont trop souvent complets. Il fallait donc, au risque de ne pouvoir voyager avec le bourreau, retenir d’urgence nos places dans le Paris-Bordeaux. Je bondis en gare d’Orsay et, jouant d’audace, j’essayais d’obtenir le numéro du wagon où Deibler voyagerait.

— Voilà, expliquai-je au préposé, je suis le gendre de M. Deibler. Mon beau-père doit partir demain matin pour Angoulême et il m’a chargé de vous prévenir qu’il viendra tantôt retenir un compartiment dans un wagon de tête…

Le cheminot ouvrit de grands yeux.

— Mais M. Deibler sort d’ici ! Et il a loué précisément dans le wagon de queue.

— Impossible ! répondis-je d’un air incrédule.

L’employé, piqué au vif, étala devant moi une nouvelle réquisition.

— Tenez… Il a retenu le compartiment n
o
 3, dans le wagon 14. Il partira d’Orsay demain matin à 8 h 35.

En hâte, je lus la réquisition. Il y était question de Deibler, de ses quatre aides, de discrétion, de sécurité.

J’appris ainsi que le bourreau, taxé au régime des prisonniers, avait payé son voyage, aller et retour compris, 404 fr. 50. On lui avait même délivré un billet de famille.

On n’aurait pu mieux faire, car, pour éviter une jalousie aux conséquences incalculables, l’exécuteur a depuis longtemps renoncé à travailler avec des étrangers. Il a pris tous les aides actuels dans sa propre famille. Ainsi, André Obrecht, son premier aide, est également son neveu. Henri Desfourneaux, son second aide, est encore un de ses neveux. Les autres sont des cousins.

On dirait qu’une étrange fatalité pousse tous les hommes de cette famille vers la même mission : trancher des têtes.

RÉSERVÉ PAR AUTORITÉ DE JUSTICE

DE PARIS À ANGOULÊME.

À la lecture de cette pancarte, les voyageurs qui prenaient le rapide Paris-Bordeaux, le mercredi 19 juillet, à 8 h 35, s’arrêtaient, interdits, devant le compartiment soigneusement clos qui portait cette affiche. Dès la mise en place du convoi, l’exécuteur et ses aides s’y étaient calfeutrés.

Cet excès de précautions contre les indiscrets leur évita, par contrecoup, de nous voir monter derrière eux et cela me permit, dès le départ, de plaquer contre leur portière une oreille attentive.

Ils s’entretinrent d’abord de choses fort banales. Puis ils parlèrent des deux garçons de ferme condamnés à mort d’Angoulême, les nommés Véteau et Martin, assassins, l’un et l’autre, de leurs anciens maîtres. J’appris ainsi que l’exécution serait double.

— Voilà cinq ans que nous n’en avons pas vu une seule, disait Obrecht.

Une voix sourde et traînante rectifia :

— Si j’ai bonne mémoire, la dernière remonte au 21 juin 1928, lorsque nous sommes allés, à Montbrison, guillotiner Allier et Montagnon !

Et toujours la conversation revenait sur Véteau et Martin.

Comment allaient-ils se conduire ? Allait-il falloir mater Véteau, la sombre brute, et se colleter avec lui, comme l’an passé avec Cipière de Périgueux ? Martin, au contraire, semblait plus docile. D’avance, les aides se partageaient la besogne.

— Moi, cette nuit, je me tiendrai à droite des condamnés.

— Et moi, reprit Obrecht, je continuerai, comme par le passé, à faire le “photographe”.

Dans l’argot du bourreau, cela signifie tirer le patient par les cheveux.

— De toute façon, conclut Deibler, il faudra bien qu’ils y passent.

Dans chaque gare, le patron ouvrait la porte du couloir et donnait son avis.

— Ici, le train doit s’arrêter six minutes.

Le terrible fonctionnaire était passé partout. Il connaissait
par cœur les itinéraires et les horaires. Chaque ville traversée lui rappelait une ou plusieurs exécutions capitales, et il égrenait ses souvenirs devant ses neveux. De temps à autre, le bourreau arpentait les couloirs feutrés du wagon. Il s’était coiffé d’un béret basque ; les voyageurs restaient indifférents devant ce vieillard à la barbiche grise, aux allures de retraité. Nul n’aurait songé à voir en lui un coupeur de têtes.

L’époque des bourreaux romantiques est depuis longtemps révolue…

Ayant aperçu l’objectif de notre photographe, à la sortie de la gare d’Angoulême, Deibler et ses aides s’engouffrèrent dans le premier hôtel de l’avenue de la Gare, l’hôtel
Terminus
. Aussitôt entré, le bourreau composa avec les tenanciers de l’établissement.

— Je suis M. Deibler. Je désire dîner et coucher avec mes quatre compagnons. Mais je réclame sur ma présence ici un silence absolu. Pas de curieux. Pas de journalistes. Je ne veux voir personne.

Ses bagages déposés en lieu sûr, le bourreau quitta l’hôtel par une porte dérobée. Il se rendit tout d’abord à la gare des marchandises pour s’assurer de l’arrivée de la guillotine. C’est, dans chaque ville, son premier souci depuis le jour où, en 1912, les bois de justice s’égarèrent entre Lyon et Marseille. Il y avait eu cette année-là, dans les limites du réseau PLM, deux condamnations à mort. L’un, au renom sinistre, attendait à la prison Chave, de Marseille. L’autre, un assassin obscur, croupissait dans une cellule de Carpentras. Sans même lire la feuille de route, les employés dirigèrent tout droit le fourgon sur la gare Saint-Charles, et, tandis qu’à Marseille les éditions annonçaient l’arrivée des bois de justice et l’imminence de l’exécution, Deibler, à Carpentras, s’arrachait les cheveux.

BOOK: La Bible du crime (NON FICTION) (French Edition)
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