Sex Beast (13 page)

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Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

BOOK: Sex Beast
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« Sa sœur Sara, une infirmière, avait quatre ans de moins que lui. Elle est mariée avec deux enfants. “C’était la préférée de mon père. Nous étions assez proches, Sara et moi.” Avec un profond soupir, il affirme qu’il était aussi proche de son frère Gary, âgé de 19 ans : “J’ai toujours essayé d’être un exemple pour lui.”

« Son parcours scolaire comprend l’obtention d’une licence en sciences sociales à l’université Florida Atlantic en 1971 ; il a ajouté qu’il était également titulaire d’une licence de géographie et de criminologie à Broward Junior College. Il est aussi professeur en sciences sociales au niveau du collège. Mais il n’a pas obtenu de poste à plein temps “parce qu’ils ne voulaient que des Noirs”.

« A 18 ans, “j’ai voulu être prêtre mais on n’a pas voulu de moi au séminaire de Saint John’s. Je n’avais pas assez la foi”. Déçu et en colère, il a quitté l’Eglise catholique. “J’ai trouvé que c’était injuste, moi qui allais à la messe tous les jours.”

« De 1964 à 1972, il a travaillé comme guide dans les Everglades et a gagné suffisamment d’argent pour financer ses études. Lors de sa dernière année à l’école, il est employé comme vigile. En août 1971, il travaille comme officier de police à Wilton Manors pendant huit mois, avant d’être renvoyé pour une infraction mineure. En mai 1972, il devient shérif adjoint dans le comté de Martin, un job qui lui plaît “car tout le monde était honnête”.

« Ses antécédents médicaux comprennent les habituelles maladies de l’enfance, telles que la rougeole à l’âge de 4 ans, sans complications ; un pré-diabète contrôlé par un régime, sans insuline ou autres médications ; “un peu de goutte” (le prévenu rit) en avril 1972, là aussi endiguée par un régime. Pas de maladies sérieuses, d’opérations ou de blessures graves. Il a eu une tonsillectomie à l’enfance. Il a nié avoir jamais contracté de maladies vénériennes : “Je ne couchais pas à gauche, à droite.” Pas de consommation d’alcool, ni de drogues. Il a brièvement rencontré un psychiatre à Fort Lauderdale et suivi une thérapie de groupe à la clinique Henderson Mental Health de Fort Lauderdale) “pour calmer ses envies de faire du mal aux gens”.

« Enfant, il jouait à des jeux où “j’étais toujours celui qui était tué. Je voulais mourir. Mon père préférait ma sœur, aussi je souhaitais me transformer en fille. Je voulais mourir. J’étais une telle déception aux yeux de ma famille, mon père adorait ma sœur. Je n’arrivais jamais à satisfaire mon père et dans les jeux, j’étais toujours celui qui mourait”. Ses passions sont la chasse et la pêche. Il fait preuve d’une certaine fierté quant à son expertise au ball-trap : “Je suis numéro deux dans cet Etat”, et il m’a donné une description détaillée de sa collection d’armes. Puis son visage s’est assombri : “La police a saisi toutes mes armes. Je suis suspecté dans six meurtres.” Il affirme l’avoir appris par les journaux et la radio. Il a ri nerveusement. “Je purge une condamnation de six mois pour agression aggravée – parce que j’ai ligoté deux filles, deux auto-stoppeuses,
à un arbre (rires). Au départ, j’ai été mis en examen pour enlèvement, mais ils ont abandonné cette inculpation.” Il m’a donné une explication : “J’étais en colère après elles… elles se sont moquées de moi. Cela s’est déroulé à Jensen Beach.” De manière spontanée, il m’a décrit en détail tout le déroulement de l’affaire. Son développement psycho-sexuel a commencé par la masturbation à l’adolescence. Depuis l’âge de 12 ans, “je m’attache à un arbre, me débats pour me libérer, et je m’excite sexuellement et je m’arrange pour me faire mal”. Quand on lui demande comment il se fait mal, il répond que durant cette activité, il se “masturbe et fantasme sur des tortures qu’[il] inflige à d’autres personnes, en particulier des femmes”. A cet âge, “je découvre la lingerie féminine, surtout les petites culottes (son rire est nerveux), parfois j’en porte. J’avais envie de souffrir”. Quand on lui pose la question, il demeure silencieux et se met à réfléchir, comme s’il cherchait une réponse. Au bout d’un moment : “Je fantasmais sur le fait d’infliger de la douleur aux autres, les femmes en particulier.

« — Pourquoi les femmes ?

« — Ma mère ne me laissait jamais mener mes propres combats. Dans le groupe de thérapie, les docteurs ont dit (sourire du prévenu) que ma mère me castrait.” Entre 14 et 17 ans, il a eu des relations intimes avec la même jeune femme, mais elle est partie à l’université. “Je voulais me venger. Lorsqu’elle est venue me rejoindre, nous sommes allés sur la plage où je l’ai mise dans un grand état d’excitation, avant de la
repousser. C’était ma façon de la blesser pour le mal qu’elle m’avait fait.” A 19 ans, il a des relations sexuelles avec une fille très intelligente qui l’abandonne au bout de cinq mois. “J’ai commencé à m’en prendre à moi-même. Je suis devenu masochiste”, explique-t-il. Il se pend par la taille à une branche d’arbre pour se masturber. Lorsqu’il a des difficultés de concentration dans ses études, il fait “une séance”, ce qui a pour effet de le libérer de toutes ses tensions. De façon spontanée, il me raconte que vers l’âge de 20 ans et plus, il sodomise “des vaches et des chevaux. Je n’étais pas marié à cette époque. Je les tailladais, je leur coupais la tête avec une machette avant d’avoir des relations sexuelles. C’étaient des pulsions incontrôlables”. Lorsque je lui pose la question de sa capacité à refréner ses pulsions, si quelqu’un était présent, il me répond : “Je ne le faisais pas. Il n’y avait jamais aucun témoin.
Je ne me suis jamais fait prendre
.” Il ajoute qu’il n’en a jamais parlé auparavant, pas même au psychiatre de la Fort Pierce Mental Heath Clinic, ni à aucun autre docteur “à propos des animaux. Je ne m’en rappelais plus, mais
maintenant
je m’en souviens. J’ai l’impression que je devais vous en parler.

« — Pourquoi ?

« — Parce que je suis fou, docteur. Je ne suis pas normal. J’ai un grand besoin d’être aidé – à cause de mon agressivité. Mais je n’ai plus rien fait de pareil depuis que je me suis marié avec Theresa
3
. Je vais me
suicider – toute cette histoire de meurtres… Des gens déclarent qu’ils m’ont vu en compagnie de ces filles, et que j’ai été la dernière personne à avoir été avec elles. Je ne sais plus quoi penser.” Il indique vouloir se donner la mort “contre les barreaux de la cellule. Cela fait maintenant cent jours que je suis incarcéré et on me dit à quel point ça affecte mon épouse, ma mère et mon frère”.

« En parlant de son mariage, il déclare : “Je n’aime pas trop les femmes, sauf les intellectuelles, celles qui sont vertueuses.” Sa première union à 24 ans avec Marian Fogg [il s’agit de Martha] s’est achevée moins d’un an plus tard et sans enfant. Celle avec Theresa [
sic
] Dean, qui date de septembre 1971, est aussi sans enfant.

« Il n’a jamais connu le moindre problème avec la loi jusqu’au 15 janvier 1973, où il a commencé à purger sa “peine de six mois, avec une réduction d’un mois pour bonne conduite. J’ai été impeccable. Il me reste soixante-cinq jours jusqu’au 15 juin. Ensuite, je pars en vacances avec ma femme, mon frère et sa fiancée”.

« L’examen psychique montre un jeune homme de race blanche à l’intelligence supérieure. Il est vif, ne tergiverse pas et est parfois loquace. Il se positionne bien en tant que personne, dans le temps et l’espace. Son attention est soutenue, il possède d’excellents souvenirs sur des événements récents ou plus lointains. Pas de problème de syntaxe. La cognition et la perception sont intactes. Le thème principal de son discours tourne autour de la sexualité, de son vif ressentiment
suite à un rejet, et la détermination à se venger. Pas d’hallucinations notables. Il est capable d’interpréter les “proverbes” (un test) de manière abstraite et en des termes généraux. Son jugement est immature. Il a une certaine conscience que quelque chose n’est pas normal en lui. A la fin de notre rendez-vous, il a tenu à me montrer une cicatrice sur son poignet gauche : “J’ai fait ça en 68 ou 69. J’étais à l’école (sourire). J’ai tenté de trouver la veine. J’étais déprimé au sujet de mes perversions sexuelles et de ces pulsions de meurtre.”

« Au vu de son histoire et de l’examen de son état mental, je peux affirmer que le prévenu ne présente aucun symptôme d’une quelconque lésion cérébrale, d’un déficit mental ou de psychose. L’état clinique est celui d’un profond trouble du comportement, accompagné d’un état non psychotique et dépressif.

« Diagnostic :

« 1. Personnalité antisociale qui se manifeste par une déviance sexuelle et un sadisme érotisé.

« 2. Une réaction dépressive, modérée et temporaire.

 

« A mon avis, le prévenu ne souffre pas de désordres mentaux, il est apte à être jugé.

« En réponse aux questions de la Cour, je recommande que le prévenu soit hospitalisé pendant une période de trente jours pour :

« 1. obtenir des informations supplémentaires grâce à un examen neurologique, un électro-encéphalogramme et toute une série de tests psychologiques (MMPI, Rorschach).

« 2. le mettre en observation et prescrire un traitement adéquat.

« En conclusion, mon avis est que le prévenu est dangereux, moins pour lui-même que vis-à-vis des autres.

« J’espère que ce rapport sera utile à la Cour. »

Mordecai Haber, M.D., F.A.P.A.

Cc : Procureur Robert E. Stone

Maître Elton H. Schwartz

Le procureur Robert E. Stone décide de le mettre en examen pour assassinat avec préméditation de Susan Place et Georgia Jessup, le 18 mai 1973. Le juge Trowbridge décide de mettre Schaefer en observation pendant trente jours seulement au Chattahoochee State of Florida’s Mental Health Facility. Il y est emmené par avion le 21 mai 1973.

Dans la salle d’attente de l’aéroport de Fort Lauderdale, c’est un Schaefer souriant qui accepte de répondre aux questions des journalistes. Entre ses mains menottées, il tient un livre,
Run Baby Run
, écrit par Nicky Cruz qui y raconte sa conversion au christianisme.

Vingt-sept jours plus tard le prévenu accepte d’être
interviewé par Pat Quina, journaliste au
News Tribune
, qui l’avait déjà questionné à la prison du comté de Martin, le 28 avril 1973. L’entretien se déroule dans la salle des visiteurs de l’établissement psychiatrique de Chattahoochee, le 13 juin 1973, en présence du docteur Hector Gianni et de l’avocat Elton Schwarz. En préambule, Pat Quina, une ravissante blonde, lui demande s’il se souvient de leur rencontre précédente. Toujours aussi manipulateur, il lui indique qu’elle lui avait fait peur et qu’il avait été vraiment terrorisé. A ses yeux, elle incarnait le « Grand méchant loup » avec lui dans le rôle du « Petit chaperon rouge », surtout que l’interview s’était déroulée par une petite lucarne ronde dans la porte métallique de sa cellule. L’article paraît quatre jours plus tard sous le titre de « Schaefer Denies Guilt, Admits Problems » (« Schaefer nie être coupable, mais reconnaît des problèmes ») : « Gerard John Schaefer a passé un temps considérable cette semaine à donner son sentiment sur un cerveau malade et à raconter ce qui s’est déroulé depuis son admission au Florida State
Mental Hospital durant ces trente jours d’évaluation et de traitement.

« Ses réponses, en apparence spontanées et franches, nous permettent d’avoir un plus profond aperçu de la personnalité d’un homme intelligent de 28 ans qui est accusé de deux assassinats dans le comté de Sainte-Lucie.

« Certains enquêteurs estiment que le tueur a torturé ces deux adolescentes, avant de les pendre, de les violer et de mutiler leurs corps.

« Schaefer nie ces accusations.

« Mais il y a des choses qu’il admet bien volontiers. “Je suis conscient que j’ai un problème particulier depuis peut-être l’âge de 12 ans… que j’étais différent des autres d’une certaine façon. Je ne suis pas quelqu’un de convivial. Je suis un solitaire. Bon, tout ça n’est pas trop en ma faveur, n’est-ce pas ?” déclare Schaefer.

« Lorsqu’on lui demande de se décrire, le jeune homme à la voix douce affirme : “Je pense être un solitaire car je suis un anticonformiste. J’ai du mal à adhérer à une religion trop organisée.

« “Dans mon aile du bâtiment, un patient dit que je suis un hérétique et que je devrais périr sur un bûcher. Je suis un catholique. Je ne suis pas un dévot de la religion catholique romaine. Je suis un non pratiquant.

« “Ce que je tente de faire, c’est de prendre ce qu’il y a de mieux dans toutes les religions pour l’incorporer à ma propre philosophie, qui peut se résumer ainsi : aime Dieu par-dessus tout, et tout être humain comme tu peux t’aimer toi-même.

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