Sex Beast (18 page)

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Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

BOOK: Sex Beast
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Les médias en Floride le surnomment, quant à eux, « Sex Beast », nom qui avait déjà été attribué à un autre tueur en série, Melvin Rees. Ce musicien de jazz est
le criminel sexuel américain le plus connu des années 1950 avec Harvey Glatman. Surnommé « Sex Beast », cet amateur de pornographie et de marijuana assassine cinq personnes dans le Maryland et en Virginie. Il est aussi suspecté d’avoir tué quatre autres personnes. Lors d’une fouille de son appartement, la police découvre l’arme du crime et un récit détaillé de ses crimes. Condamné à mort par l’Etat de Virginie en 1962, sa peine est commuée en prison à vie en 1972. Melvin Rees décède d’une crise cardiaque derrière les barreaux en 1995.

En juin 1989, Media Queen, le nom de la maison d’édition de Sondra London, publie
Killer Fiction
(
Journal d’un tueur
), un recueil des textes de « fiction » de Schaefer. En fait de livre, il s’agit plus d’un fanzine. L’auteur n’est pas autorisé à recevoir son ouvrage, qui est confisqué par le personnel de Florida State Prison. Il ne le verra pour la première fois qu’en novembre 1991, soit deux ans et demi plus tard,
lorsque je lui montre un exemplaire. Interrogé, par exemple, quant à son « expertise » sur la décomposition des corps ou sur ce qui se passe lorsqu’une victime décède, il prétend s’être renseigné auprès d’entrepreneurs de pompes funèbres et avoir vu bon nombre de personnes mourir de coups de feu et de coups de couteau pendant qu’il était en fonction au Martin County Sheriff Department. Un mensonge éhonté car il n’y a travaillé que pendant vingt-huit jours et il était principalement chargé de gérer le trafic routier ou de dresser des contraventions.

Le 18 janvier 1991, il propose à Sondra London de l’épouser car « une femme ne peut pas témoigner contre son époux, même s’il lui montre un coffre rempli de têtes coupées ». Mais, dès le lendemain, il change d’avis et l’accuse d’être à l’origine de ses meurtres : « Toutes ces femmes sont mortes, car tu n’as pas voulu m’aider à résoudre mes problèmes en 1965. Je désirais par-dessus tout te raconter ça, et tu m’as laissé tomber. Tu es partie en courant, tu m’as abandonné, et c’est ainsi que tout a démarré. » Le 20 janvier 1991, il n’hésite pas à se vanter : « Je suis le champion de tous les serial killers, et je peux le prouver. Quand je pends une fille, elle n’a même pas le temps de pisser sur la corde. Avec une machette, il ne m’a jamais fallu plus de deux coups pour décapiter une pute. Tu me demandes combien j’en ai tué ? Difficile à dire. Entre quatre-vingts et cent dix. L’une de ces putes s’est étouffée avec son vomi pendant qu’elle me regardait en train d’éviscérer sa copine. Est-ce que ça fait un meurtre ? Et
celles qui étaient enceintes ? Je compte une ou deux, hein ? Tout cela peut prêter à confusion. » Et il poursuit : « Je n’ai jamais eu de problèmes sexuels. Je n’ai jamais été un criminel sexuel. Je suis unique. Je peux te l’assurer. »

La suite de
Killer Fiction
,
Beyond Killer Fiction
, est un échec commercial, à l’image du premier livre. Après une tentative avortée pour devenir chanteuse de cabaret, Sondra London tente de vendre l’idée d’un film sur Schaefer et elle se rend à Hollywood, mais personne ne s’y intéresse. Son rêve de devenir la nouvelle Ann Rule ne réussit pas mieux. Elle accepte une offre de mille dollars pour l’émission télévisée « A Current Affair ». Le journaliste Steve Dunleavy interroge Sondra qui déclare que « son ex-petit ami avait des pulsions de meurtre dès 1965 » et le procureur Robert Stone qualifie Schaefer de « monstre ». Lorsque le détenu voit ce reportage, il entre dans une fureur noire : « Ne m’adresse plus jamais la parole. Ici, j’ai croisé un certain nombre de membres
d’un culte satanique. Pour exprimer ma gratitude, je leur ai parlé de ta fille. Ils viendront très probablement lui rendre visite un de ces quatre. »

Nous sommes début 1992 et Sondra London prépare une anthologie,
Knockin’ on Joe – Voices from Death Row
, pour l’éditeur londonien Nemesis. L’ouvrage sera publié en 1993 et il contient des nouvelles, des récits, des dessins de condamnés à mort tels que Robert Fieldmore Lewis, Carl Panzram, Ottis Toole, Joseph O’Dell et Gerard Schaefer qui n’est pas prévenu de la publication. Mais c’est surtout Danny Rolling, « The Gainesville Ripper » (« l’Eventreur de Gainesville »), que Sondra London met en vedette. Elle le rencontre à de nombreuses reprises à Florida State Prison et finit même par se fiancer avec lui. Elle ne prend pas la peine de prévenir Schaefer de ses visites.

Danny Rolling tue cinq étudiantes de la ville universitaire de Gainesville en Floride. Par la suite, il avoue huit meurtres et est condamné à la peine de mort en 1994. Il est exécuté par injection létale le 25 octobre 2006. Entre-temps, Rolling et sa fiancée ont co-écrit chez Feral House
The Making of a Serial Killer – The Real Story of the Gainesville Murders in the Killer’s Own Words
. L’ouvrage, qui paraît en 1996, est illustré par des dessins de Danny Rolling. Autant dire que la fureur de Schaefer se transforme en une rage folle à l’encontre de Sondra qui l’a complètement laissé tomber. En février 1993, la lettre du tueur en série à son intention débute par un « Salut, pute. La rumeur ici veut que la Reine des Putes flirte avec Danny Rolling. Tu
m’appartiens
et je sais ce qui t’intéresse : le
fric
. Grâce à toi Danny Boy va griller pendant que tu lui tonds la laine sur le dos. Je me trompe ? Vas-y ! Prends ton pied ». Dans d’innombrables courriers aux médias, il se lâche, traitant Danny Rolling de « pauvre type », de « délinquant sexuel » qui « n’arrive à bander qu’avec des mortes ». Sondra en prend aussi pour son grade, « c’est une vieille peau de 45 balais, grosse et affreuse », « ce que j’écris la fait se masturber ».

L’année 1993 voit également Gerard Schaefer attaquer en diffamation, pour atteinte à son image. Il demande des dommages et intérêts à de très nombreuses personnes. Il affirme être dans l’incapacité de s’offrir les services d’un avocat et ses plaintes seront examinées une par une. Sondra London est l’objet de trois actions judiciaires différentes qui seront toutes
rejetées. Il poursuit également Robert Ressler, le profiler du FBI, parce que celui-ci le cite en tant que « serial killer » dans ses conférences, l’odontologue Richard Souviron, qui a identifié la dent de Carmen Hallock en 1973 et a publié un article sur le sujet. Ce sont surtout les auteurs qui citent Schaefer dans leurs ouvrages en le qualifiant de « tueur en série » qui sont l’objet de sa vindicte, Colin Wilson, Ronald Holmes, Michael Newton, Patrick Kendrick, Joel Norris, Jay Robert Nash, Michael Cartelis et… Stéphane Bourgoin. Entre-temps, toujours aussi mégalomane, il m’envoie plusieurs lettres où il affirme être sûr d’être bientôt libéré. Il m’invite même, une fois libre, à venir partager avec lui une excursion dans les marais des Everglades : « Cher collègue, je te montrerai tous mes territoires de chasse, tu connaîtras tous mes endroits les plus secrets. On ira voir les différents arbres où je suis supposé avoir tué tant de femelles. » Il perd tous ses procès et, en fin d’année, alors qu’il se trouve dans la bibliothèque de la prison, un détenu le poignarde au visage et aux mains.

La situation empire pour Gerard Schaefer, car tout le monde ou presque sait que c’est une balance. On l’asperge de matières fécales, d’urine et on tente par deux fois de le brûler vif dans sa cellule. Son égérie Sondra London l’ignore et il tente par tous les moyens d’attirer l’attention sur lui, comme le prouve cette lettre non datée de 1993 à un cabinet d’enquêteurs privés : « Je suis connu pour avoir tué dans quarante Etats américains, quatre provinces du Canada, plusieurs pays
européens et en Afrique, avec plus de vingt femmes assassinées dans une seule et même ville. N’importe qui vous confirmera ces faits révélés par la police. Ce n’est pas pour me vanter, mais juste vous donner un aperçu de mes activités entre 1963 et 1973.

« Ce que je suis prêt à faire pour vous à titre confidentiel – par respect pour les proches de ces femelles – est d’examiner vos dossiers, afin de vous confirmer si oui ou non je suis responsable de telle ou telle affaire. J’ai été condamné deux fois à perpète, donc aucun procureur ne va se précipiter sur un dossier des années 1965, sauf s’il existe une
preuve
irréfutable.

« Pour être plus précis, vous m’avez posé la question de la Nouvelle-Angleterre. J’y ai assassiné des femmes entre 1966 et 1970. Une période de cinq ans, j’avoue que je ne connais pas bien cet Etat, mais j’ai eu du boulot au nord de New York, à Long Island, près de Boston, sur la route qui mène vers Cape Cod – de bons terrains de chasse – et en chemin vers Newburyport ; aussi près de Brockton. Je ne peux pas vous dire exactement quand car j’étais tout le temps sur la route. Vous
pouvez
éliminer décembre, janvier, février, mars. C’était surtout l’été et, en 1968, à l’automne jusqu’à fin novembre.

« Le type de femelles que je me suis faites sont principalement des auto-stoppeuses, quelquefois des prostituées. Si, dans vos dossiers, vous avez ce genre de nanas ou des toxicos, je suis peut-être votre homme. J’ai souvent fait des
doublons
, donc concentrez-vous sur ce type de disparitions.

« Je me rends bien compte que ce sont des généralités, car nous sommes maintenant dans les années 1990.

« Comme ceci n’a aucun rapport avec une enquête officielle, je me propose d’examiner tout ce que vous voudrez m’envoyer. Des renseignements sur le physique de la jeune femme, les faits connus sur sa disparition comme la ville ou la route où on l’a vue pour la dernière fois et quelques photos. Des photocopies sont suffisantes. J’ai eu des conversations avec mes victimes et certaines se sont montrées très bavardes lorsqu’elles se sont rendu compte qu’elles allaient mourir. Plusieurs discussions sont restées gravées dans ma mémoire. Je pense notamment à cette fille, ouvrière dans une fabrique de chaussures, près de Brockton. Elle s’inquiétait du retard pour sa prise de service… jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’elle allait mourir… Une autre m’a dit qu’elle allait se marier… une autre encore qu’elle était enceinte.

« Vous pourriez m’envoyer une photo de cette ouvrière et je vous révélerais alors un petit quelque chose qui confirmerait qu’elle figure à mon tableau de chasse, sans jamais vous dévoiler les détails du meurtre. Vous voyez ce que je veux dire ?

« Je ne demande pas d’argent pour cette aide. Je ne vous donnerai pas non plus le lieu où le corps est enterré, même contre une forte récompense.

« Mon travail doit être considéré comme volontaire et privé. Vous ne devez jamais révéler la source de vos informations. D’accord ? J’accepte des timbres pour faciliter nos échanges. »

Toutes ces « offres » de Gerard Schaefer n’ont jamais été prises au sérieux par les différents services de police concernés. Etait-ce pour lui un moyen de revivre ses meurtres ? De se faire passer pour le plus grand serial killer de tous les temps ? De manipuler ses correspondants ? Ou espérait-il obtenir des contreparties ?

Toujours est-il que plusieurs services de police œuvraient sur des
cold cases
concernant Gerard Schaefer. Le lieutenant Ken Adams, pour le compte du comté de Martin, et le Fort Lauderdale Police Department pour les disparitions de Leigh Hainline Bonadies, Belinda Hutchens et Carmen Hallock. Le vendredi 1
er 
décembre 1995, le lieutenant Tim Bronson téléphone à Florida State Prison afin d’interroger Gerard Schaefer le lundi suivant. Son but ? Inculper l’ex-shérif adjoint pour l’un de ces trois assassinats, afin de l’obliger à plaider coupable pour clore ces trois dossiers.

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