Sex Beast (7 page)

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Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

BOOK: Sex Beast
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Onze jours après Carmen Hallock, le 29 décembre 1969, c’est au tour de deux fillettes de disparaître de la surface de cette terre. Peggy Rahn est une blonde aux yeux bleus, d’un mètre trente-deux pour 33 kilos, âgée de 9 ans, qui est emmenée à la plage par une voisine de ses parents. Wendy Brown Stevenson est une brune aux yeux noisette, d’un mètre vingt-sept pour 30 kilos, qui est âgée de 8 ans. C’est son oncle qui l’accompagne à Pompano Beach, à environ 24 kilomètres au nord de Fort
Lauderdale. Les deux enfants ne se connaissent pas et se croisent pour la première fois ce jour-là. Elles décident d’aller s’acheter une glace et se rendent sur le parking où est installé un marchand de glaces ambulant. Un témoin les aperçoit en compagnie d’un homme d’une vingtaine d’années, de plus d’un mètre quatre-vingts et pesant dans les 100 kilos, en train de leur acheter une glace.

En avril 1992, Gerard Schaefer m’adresse un courrier dans lequel il fait directement référence à cet événement : « A l’époque, j’étais fasciné par le cas de ce tueur en série cannibale, Albert Fish, qui poussait le vice jusqu’à écrire aux parents de ses petites victimes. Je pense à la petite (et succulente) Gracie Budd. Je suis furieux que l’on me qualifie de meurtrier pédophile. Je vous assure que ces fillettes n’ont pas été molestées sexuellement. Wendy et Peggy se sont trouvées par hasard au mauvais endroit à un moment où j’étais curieux à propos des envies cannibales de Fish pour de la jeune chair fraîche. Je les ai toutes les deux trouvées à mon goût, particulièrement avec des oignons et des poivrons sautés. »

Après son divorce avec Martha Fogg et le mois de vacances qu’il passe en Europe et en Afrique du Nord, Schaefer a besoin d’argent pour payer ses études à l’université et il ne peut plus postuler à un emploi dans l’enseignement. A partir d’octobre 1970, il travaille comme vigile pour Wackenhut Security à la Florida Light and Power où il croise la route d’une secrétaire, Teresa Dolly Dean, avec qui il se fiance. En août 1971, il obtient sa licence de géographie à l’université Florida Atlantic
qui ne lui sert à rien, sans un poste de professeur. Peu après, en septembre, Teresa et lui se marient. Après ses échecs répétés pour devenir prêtre ou enseignant, Gerard Schaefer choisit de se lancer dans une carrière dans la police.

Comme il est diplômé, ce qui est plutôt rare à l’époque pour un policier, il est engagé par le Wilton Manors Police Department, le 3 septembre 1971. Pour suivre la formation d’agent des forces de l’ordre, il retourne au Broward Community College, à l’académie de police. Il réussit son examen final le 17 décembre 1971 et entame ses six mois d’essai en patrouille en solo où il se montre obsédé par l’idée de dresser le plus de contraventions possible. Ses collègues de travail ont peu de sympathie pour lui car il les méprise ouvertement, à cause de ses diplômes universitaires. Il montre à tout bout de champ sa plaque de policier. 90 % des contraventions pour excès de vitesse et problèmes de stationnement qu’il dresse le sont à l’encontre de femmes. Si elles lui plaisent, Gerard Schaefer tente d’obtenir leur numéro de téléphone et un rendez-vous.

Le 4 janvier 1972, Belinda Hutchens, une jeune femme
de 22 ans, disparaît à Fort Lauderdale. Cette serveuse et prostituée occasionnelle est vêtue d’une robe rose et de chaussures blanches à talons aiguilles. Son sac ne contient que ses clefs, un peu d’argent et des cigarettes, et elle n’a pas de vêtements de rechange lorsqu’elle monte à bord d’un véhicule conduit par un jeune homme de grande taille au volant d’une Datsun de couleur bleue. A cette époque, Gerard Schaefer possède un véhicule du même type. Quelques mois plus tard, son mari Bill identifiera l’homme, sur photo, comme étant Schaefer. Belinda le connaissait car son époux lui avait posé une question « sur ce Schaefer » et elle lui avait répondu qu’il « était OK ». Arrêtée pour prostitution en 1970 à Fort Lauderdale, elle avait dû régler une amende de 250 dollars.

Avant de venir en Floride, Belinda vivait à Baltimore au sein d’une famille dont le père parvient tout juste à joindre les deux bouts à cause de problèmes cardiaques. Deux de ses frères sont décédés de mort violente. Elle commence à se prostituer dès l’âge de 14 ans dans un bar à hôtesses. Elle a déjà été mariée jeune avant de divorcer et de faire la connaissance de Bill qui est drogué et travaille dans une station-service. Elle a alors 18 ans. Après leur mariage, Belinda décide d’arrêter la prostitution, mais elle replonge lorsque leur situation financière devient difficile. Elle gagne entre 40 000 et 60 000 dollars par an et n’a pas de proxénète. Dans une interview au
Palm Beach Post
en 1973, Bill Hutchens dit avoir approuvé le style de vie de son épouse disparue. « Elle devait beaucoup m’aimer pour avoir fait ça. Pour elle, c’était un métier comme un autre. »

Le prénom « Belinda » apparaît dans plusieurs des écrits de Gerard Schaefer. Belinda Hutchens ne sera jamais retrouvée, et le 4 janvier 1972 reste l’ultime fois où Bill et leur fille de 2 ans la verront.

Sandra Steward (Sondra London) connaît fort bien cette période de l’existence de son ex-petit ami pour en avoir souvent discuté avec lui lors de leurs retrouvailles en 1989, alors qu’il est incarcéré à la prison d’Etat de Floride : « Quand il était shérif adjoint à Wilton Manors, il y a eu un événement qui n’a pas fait l’objet d’un rapport, mais dont j’ai eu connaissance par ses collègues. Schaefer avait enlevé un vieillard dont il avait ligoté les chevilles pour le suspendre du haut d’un pont, la tête en bas, de sorte que le sommet de son crâne touche les flots. Et, lorsque la marée monterait, l’homme serait mort noyé. Heureusement, il a pu être secouru à temps. Cet incident a été caché par les autorités et Schaefer n’a pas été poursuivi. J’ignore pourquoi. Et quel était son but ? Affiner un mode opératoire ? Ou l’homme s’était-il moqué de lui, d’une manière ou d’une autre ? Schaefer s’est-il senti obligé de lui “donner une leçon” ? C’était d’ailleurs l’une de ses expressions favorites, “donner une leçon”. »

Debora Sue Lowe est une femme brune de 23 ans, d’un mètre soixante-cinq pour 62 kilos, qui habite à Pompano Beach, là où les deux fillettes, Wendy Stevenson et Peggy Rahn, ont disparu le 29 décembre 1969. Plus de deux ans plus tard, le 28 février 1972, elle disparaît à son tour. Elle se dirige à pied vers Rickards Middle School sur Sunrise Boulevard lorsqu’elle est
aperçue pour la dernière fois. Il est entre 7 h 30 et 8 h 30 du matin. Elle porte une blouse jaune, un pantalon noir à rayures roses et un poncho marron. Deux témoins indiquent avoir vu un véhicule rouler au ralenti le long du trottoir où marche Debora. La voiture pourrait être une Datsun bleue et le conducteur, un homme de 25-30 ans, de grande taille.

Dans un premier temps, les enquêteurs pensent à une fugue car Debora vient de s’installer dans la région avec sa famille, après avoir déménagé. Ses proches estiment l’hypothèse ridicule car elle a laissé derrière elle toutes ses affaires personnelles. Les policiers vont même jusqu’à insister auprès des parents afin qu’ils valident cette théorie lorsqu’ils sont interrogés par les journalistes. Eva, la sœur de Debora, affirme que la police n’a jamais réellement mené des investigations. Lorsqu’elle obtient enfin une copie du dépôt de plainte, celui-ci contient des informations erronées. M. Lowe, le père, y indique, noir sur blanc, que Debora est partie à Palestine, en Virginie, car elle n’a pas d’amis en Floride et que ses parents lui interdisent toute sortie avec des hommes. Le père meurt de chagrin en 1976. Plus personne ne reverra jamais Debora Sue Lowe.

Le chef de la police de Wilton Manors est mécontent de son nouvel adjoint : « Il n’avait pas un gramme de bon sens dans sa tête. Un jour, il était supposé réguler le trafic après un accident. Pendant que mon sergent recueillait les témoignages, Schaefer mangeait tranquillement un paquet de chips, adossé à un lampadaire. Vous savez, lorsque vous dirigez vingt-six policiers, les
rumeurs circulent vite. Aucun de mes hommes ne se sentait en confiance en sa présence. » Le 16 mars 1972, le chef Scott se prépare à licencier son agent lorsque Schaefer procède à une importante arrestation dans une affaire de drogue. Mais les « stupides erreurs » de jugement se poursuivent à un rythme accéléré et, le 19 avril, son patron le convoque à nouveau pour lui remonter les bretelles. Les larmes aux yeux, Schaefer le supplie de surseoir à sa décision. Quelques heures plus tard, il se rend dans un commissariat de Fort Lauderdale pour un entretien oral afin d’y décrocher un emploi. Manque de chance pour Schaefer, son interlocuteur passe un coup de fil au chef Scott pour lui indiquer que son employé s’est plaint de son attitude. Lorsqu’il retourne au poste de police de Wilton Manors, on lui ordonne de restituer ses uniformes et son arme de service. « J’aurais cent fois préféré enfiler à nouveau le costume de patrouilleur que de laisser un type tel que Schaefer arpenter les rues. »

Le 30 juin 1972, Gerard Schaefer réussit enfin à se faire engager par le shérif Robert Crowder dans le comté de Martin, grâce à une très élogieuse lettre de recommandation du chef Bernard Scott du Wilton Manors Police Department. Ce n’est qu’après l’inculpation de Schaefer, pour la double tentative de kidnapping de Nancy Trotter et Pamela Sue Wells, que Crowder se rendra compte qu’il s’agit d’un faux. Lorsque Schaefer est arrêté le 23 juillet, c’est son supérieur Robert Crowder qui mène les premières investigations. Il est un acteur majeur dans cette affaire et je le rencontre
à deux reprises, en mars 2008 et en décembre 2009, pour évoquer la personnalité de Gerard John Schaefer : « Je suis en poste dans le comté de Martin depuis décembre 1992. Avant cela, j’ai été shérif adjoint dans le comté de Sainte-Lucie, toujours en Floride, pendant huit ans. Et avant cela, j’ai été en charge de toutes les enquêtes criminelles pour le comté de Martin pendant dix années, à Stuart. En 1972, j’étais déjà shérif ici, mais par intérim, poste que j’ai occupé pendant plus d’un an alors que je dirigeais tous les policiers de Stuart. J’ai gravi tous les échelons depuis 1965, standardiste, technicien de scène de crime, gardien à la prison du comté.

« J’ai rencontré Gerard Schaefer pour la première fois en juin 1972 alors qu’il postulait à un emploi de shérif adjoint. A cette époque, il était officier de police à Wilton Manors, dans le comté de Broward. Il possédait un diplôme d’université, ce qui était plutôt rare en 1972 chez les policiers. Au départ, il nous est apparu
comme très charismatique avec un sourire qui inspirait confiance. Plus tard, nous nous sommes rendu compte qu’il avait un tout autre visage. Il a travaillé chez nous pendant vingt-huit jours, avant de connaître de sérieux problèmes. Je m’en souviens très bien, c’était un samedi matin. Il m’a téléphoné alors qu’il n’était pas en service. J’étais chez moi en train de tondre la pelouse. Le téléphone sonne, ma femme décroche et vient me chercher. C’était Schaefer au bout du fil. Sa voix tremblait, comme un enfant qu’on vient de prendre les doigts dans le pot de confiture. Une attitude assez typique du sociopathe qu’il était et qui possédait la capacité de changer d’attitude en un quart de seconde. Il savait qu’en laissant s’enfuir Nancy Trotter et Pamela Sue Wells, nous allions les retrouver et qu’il aurait de graves ennuis. Du coup, il a préféré prendre les devants. Il m’a tout de suite dit : “Vous allez vraiment être en colère après moi. J’ai fait une bêtise. Hier, vendredi, j’ai croisé la route de ces deux jeunes adolescentes qui faisaient de l’auto-stop. Je me suis arrêté pour leur parler avant de les conduire en ville. En chemin, je leur ai indiqué qu’elles devaient faire attention parce que l’auto-stop pouvait se révéler dangereux. Elles ont rigolé et se sont moquées de moi. Je me suis arrangé pour leur donner rendez-vous aujourd’hui, afin de m’assurer qu’il ne leur arrive rien de mal. Je les ai emmenées à Hutchinson Island.” Le choix de ce lieu n’était pas innocent, explique le shérif Crowder, car en 1972, il n’y avait quasiment personne qui habitait là-bas. Schaefer poursuit ses explications : “Dans les bois, j’ai voulu leur
faire peur en leur donnant une leçon. J’ai dit que j’allais les vendre à un réseau de traite des Blanches, je les ai ligotées à un tronc d’arbre et leur ai passé un nœud coulant autour du cou. Je voulais vraiment les effrayer, du coup j’ai quitté les lieux pour leur laisser le temps de réfléchir. Mon but était de revenir quelques heures plus tard pour les libérer. Mais elles avaient réussi à défaire leurs liens et à s’enfuir.”

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