Read The Setting Lake Sun Online
Authors: J. R. Leveillé
Je pourrais parler inlassablement de cette cabane. J'ai appris là plus de choses qu'au cours de mes études universitaires.
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That first day, as on my many later visits, I spent hours decoding and contemplating the complex of inner and outer structures. I tried to figure out how he had succeeded in coming to terms with the landscape and avoiding open conflict with the Northern heartland.
I could go on tirelessly about that cabin. I learned more from it than from my courses at the university.
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Je me rappelle toutefois que l'architecte Douglas Cardinal était venu à la faculté, lorsque j'étais en troisième année d'architecture.
J'avais beaucoup aimé l'église de Waskasoo, comme je l'appelais, qu'il avait érigée à Red Deer en Alberta. Cardinal, c'est un beau nom pour un architecte, et de surcroît pour un Indien.
Waskasoo veut dire « élan » en cri, mais les premiers colons avaient pris l'élan pour un chevreuil roux et avaient ainsi nommé l'endroit Red Deer. Depuis, j'ai toujours pensé à l'église Sainte-Marie de Red Deer comme l'église Waskasoo.
â C'est une question de proportions, a-t-il répondu à une question que je lui ai posée.
Il a dû deviner que j'étais Métisse et ce qu'il a dit m'a beaucoup plu.
â Tenez, je vais vous raconter une anecdote. Un vieux chef indien de ma nation, John Big Sky Carpenter, s'est fait construire une petite cabane avec une galerie, une véranda comme on appelle ça dans l'Ouest, sur une butte dans les
badlands
de la Saskatchewan. La cabane était peut-être modeste, il tenait à avoir une véranda : « Pour se bercer, disait-il, et regarder le soleil plonger dans le ravin. » Mais il était aveugle. Toujours est-il qu'il demanda, pour terminer, à un des ouvriers de poser un clou sur un des poteaux de la véranda pour y accrocher sa pipe et son sac à tabac. Pour faire une blague, l'ouvrier marqua l'emplacement au crayon puis fit mine de ne pas le retrouver et demanda au vieux chef : Est-ce ici ? Ou là  ? Ne serait-ce pas un peu plus haut ? Indiquant divers endroits sur le poteau. Mais le sens des proportions du vieux chef était si juste qu'il n'a pas approuvé jusqu'à ce que l'ouvrier revienne au point originel.
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I was reminded of the magical harmony of the cabin a few years later when I was in my third year of architecture and Douglas Cardinal came to give a lecture.
I thought Cardinal was a good name for an architect, and even better for an Indian architect. And I liked the St. Mary's Church that he had constructed in Red Deer, Alberta. I liked it a lot.
Waskasoo means “elk” in Cree, but the first Scottish settlers had mistaken the elk for their own red deer and named their town after it. But, red deer or elk, I've always thought of St. Mary's as the Waskasoo Church.
In response to a question I asked, Cardinal said, “It's a question of proportion.”
He must have guessed I was Métis, and what he then said really appealed to me.
“Listen, I'll tell you a story. An old Indian chief of my nation, John Big Sky Carpenter, was having a little cabin built. It was a small cabin with a porch, or a verandah, as we call it out west, on top of a butte in the Saskatchewan badlands. Even if the cabin was on the small side, he still wanted a verandah. âSo I can sit in my rocker and rock,' he said, âand watch the sun set down in the gully.' But he was blind. Finally, as the construction was nearing an end, he asked one of the workers to drive a nail into the top of a verandah post so that he could hang up his tobacco pouch and his pipe. The worker made a pencil-mark at the exact spot. But as a joke, he pretended he couldn't find it again, so he asked the old chief, Is it here? or here? Shouldn't it be a bit higher?, indicating different places on the post. But the old chief's sense of proportion was so precise that he held out until the worker came back to the original spot.”
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Ueno avait construit sa cabane avec l'aide d'Indiens de la réserve de Cross Lake.
â Nous avons mis tout le temps qu'il a fallu, a-t-il précisé, le sourire aux lèvres. Ils étaient fort intrigués, amusés, vivement intéressés. Ils m'apportaient différentes plantes avec lesquelles je faisais du thé. Nous avons bu beaucoup de thé. Je suis convaincu qu'en participant à mon projet, aussi hybride fût-il, ils ont retrouvé l'esthétique naturelle de leurs ancêtres ; et moi j'ai été privilégié, par eux, de sentir le souffle de leur esprit soutenir et alléger à la fois mon petit édifice. Quant ce fut fini, ils sont venus une trentaine, aînés, femmes, enfants, participer à une cérémonie pour consacrer, comme a dit leur shaman, le lien entre le vent rouge et le vent jaune. Le vieil homme croyait que c'était un lieu d'énergie exceptionnelle.
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Ueno had built the cabin with the help of the Natives from the Cross Lake Reserve.
“We spent just as much time as it took,” he explained with a smile on his lips. “They were curious, amused and very interested. They brought me different kinds of plants I used to make tea. We drank a lot of tea. I'm convinced that by helping out with this project, hybrid though it is, they rediscovered the natural aesthetic of their ancestors. And I had the privilege of seeing my little building made both lighter and stronger by the breath of their spirit. When it was finished, about thirty of them cameâelders, women, childrenâfor a ceremony to mark what their shaman called the joining of the red wind with the yellow wind. The old man believes this place possesses an especially strong energy.”
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Chaque fois que j'y allais, j'étais émerveillée par ce site qui, selon Ueno, était composé d'accidents organisés.
â J'ai longtemps imaginé cette cabane dans mon esprit. Rien sur papier. Quand ce fut très clair, j'ai commencé à construire. Mais il s'est produit des imprévus en cours de route avec lesquels il a fallu composer. Des incidents de parcours que nous avons intégrés dans notre travail. Et⦠quand ce fut fini⦠c'était tel que je l'avais imaginé. Parfait.Â
Je trouvais en effet que tout chez lui était de bon goût, qu'il n'y avait rien à la mode ni de conventionnel.
â La convention, et la société est une convention, est une aseptisation, affirmait-il.Â
Je revois son beau visage
sabi
.
â Au fond, a-t-il continué, il n'y a pas vraiment de bon et de mauvais goût, il n'y a que le goût qui doit être aiguisé comme son esprit. Le goût est une guerre.
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Each time I went up to Setting Lake I was struck again by the cabin which, according to Ueno, came about through a series of organized accidents.
“For a long time I had a picture of it in my mind. Nothing on paper. When the picture had become very clear I began to build. But as we went along, there were things we hadn't planned on, unforeseen factors, accidents we just had to work with. And then, when it was finished, it was exactly as I had pictured it. Perfect.”
Indeed everything about his place was tasteful; nothing was merely trendy or conventional.
“Convention, and society is a convention, is sterilizing,” he would say. I can see his beautiful s
abi
face as he said it. “Ultimately,” he went on, “taste is neither good nor bad; it simply must be honed, like the intellect. Taste is a martial art.”
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Je n'ai pas tout de suite compris le sens de ces dernières paroles. Généralement, ce qu'il disait était simple. Simple et mystérieux peut-être.
J'ai eu l'intuition, ce jour-là , que son expression adoptait la forme de ma propre pensée inconsciente.
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I didn't understand right away what he meant by this. Often the things he said were simple, simple yet somehow mysterious.
But I got a feeling, that day, that what he said mirrored the shape of my own unconscious thoughts.
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Huit heures de route, le soir avançait vite.
Il allait préparer le souper.
â Est-ce que je peux faire quelque chose ?
â Bien sûr. Promène-toi, installe-toi⦠Ensuite, tu m'aideras à mettre le couvert. Je pense qu'on devrait manger devant la baie vitrée et voir le soleil se coucher sur Setting Lake. Qu'en dis-tu ?
â Oui, j'aimerais ça.
â Et nous allons parler de ces poèmes que vous allez traduire.
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After our eight hours on the road, night was closing in fast.
He went to fix supper.
“Is there something I can do?”
“Of course. Look around, make yourself at home... Then you can help me set the table. I think we should have dinner in front of the bay window and watch the sun go down on Setting Lake. What do you say?”
“I'd like that.”
“And we can talk about those poems you're going to translate.”
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L'intérieur ressemblait à la cabine de son camion, mais en plus propre. Des romans s'entassaient ici, des livres d'art par-là , des magazines se mêlaient à des traités assez philosophiques, il y avait des petites sculptures, des manuscrits, des plaques gravées parmi des morceaux de bois et des roches qu'il avait sans doute recueillis pour leur forme. Des tableaux appuyés les uns sur les autres contre le mur. Des boîtes de peinture, une variété de pinceaux et de brosses dans de magnifiques pots de céramique ou dans des contenants de son invention.
Pour donner un exemple de cette excentricité, j'ai reconnu, parce qu'il m'en avait déjà parlé, une espèce de jardin zen miniature. Mais les roches, plutôt que d'être entourées du sable ratissé traditionnel, étaient couchées parmi des noyaux d'olives de toutes grosseurs qu'il avait mangées au cours des ans. Cela, il l'appelait son jardin des oliviers.
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The inside of his cabin was like the cab of his truck, but tidier. There was a stack of novels here, art books over there, magazines piled together with heavier philosophical works. I could see small sculptures, manuscripts, engraving plates in a heap with pieces of wood and rocks that he had no doubt collected because of their shape. There were paintings leaning together against the wall, with jars of paint and an assortment of brushes in magnificent ceramic pots or containers of his own invention.
It was a blend of tones and cultures. There were Native blankets of course, along with rugs from South America, Mexican masks, Japanese pottery. On one wall hung the skull of a long-horned bull, on another an abstract painting, a small Jackson Pollock. I couldn't believe my eyes. It was an original, a labyrinth of black and white plunging into brown. As we stood and looked at it Ueno said simply, “It's so true.”
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Il y avait là un mélange de tons et de cultures. Des couvertures indiennes bien sûr, des tapis sud-américains, des masques mexicains, de la poterie japonaise, un crâne de taureau à longues cornes était accroché à un mur ; sur un autre, une peinture abstraite â une très petite toile de Jackson Pollock, je n'arrivais pas à en croire mes yeux, c'était un original; un labyrinthe de noir et de blanc s'enfonçant dans le marron, dont Ueno a tout simplement dit en la regardant avec moi : « C'est tellement vrai. »
Et dans ce grand dérangement tout semblait avoir sa place, et ce qui devait être « exposé » se montrait bien.
Quand je lui en ai fait la remarque, il m'a répondu tout bonnement, comme on parle des ingrédients d'une recette :
â J'ai meublé cet endroit de choses que j'aimais. Je me suis dit que si elles me plaisaient et que j'étais bien avec moi-même, elles devaient être belles et s'arrangeraient entre elles.
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There was a general air of eccentricity to the collection of objects. The miniature Zen garden, for instance; instead of being surrounded by the traditional raked sand, the rocks were set among olives pits of all sizes that he'd saved over the years. Ueno called it his Garden of Gethsemane.
Each object seemed to have found its own place in all the disorder; objects that were meant to be displayed showed up well.
When I told him as much he replied off-hand, as if listing the ingredients of a recipe, “I furnished this place with things I love. I thought that if I liked them and felt good about myself, they would just be their beautiful selves and make their own arrangements.”
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Je comprenais très bien ce qu'il disait, car moi aussi j'agissais un peu comme cela. Mon bocal au poisson rouge, par exemple. Parfois, je dois me procurer des choses dont j'ai besoin, pas de façon utilitaire, mais physiquement ou spirituellement. Des objets qui exigent une longue accoutumance. Comme si cet objet extérieur représentait une partie de moi intériorisée qui avait à se dévoiler et que je devais reconnaître contenue dans l'objet.
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I knew exactly what he meant, because I was a little like that, too. My goldfish bowl was an example. I sometimes got myself things I needed not for practical reasons but to satisfy a physical or spiritual need, things that require a long relationship. It's as if the external object represented something inside me that had to come out, and that I must recognize contained in that form.
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Nous avons fini la soirée en buvant du saké chaud, et je me suis endormie devant le feu de bois dans le foyer. Ueno avait posé sur moi des couvertures au motif indien.
Je dis cela, parce que le premier soir de ma deuxième visite â les choses s'assemblent ainsi dans mon esprit â les couvertures étaient toujours là où je les avais laissées et je me suis tout de suite emmitouflée dans l'une d'elle et je me suis mise à observer le foyer, sa cheminée de pierres, son manteau en bois tordu. J'ai remarqué une petite série de dates crayonnées sur le madrier tout près et j'ai demandé à Ueno ce que c'était.
â C'est la liste des fois que j'ai fait l'amour depuis les vingt-cinq ans que je suis ici.
â Ce n'est pas bien impressionnant.
â Tu crois ? Alors, viens m'impressionner.
Il s'est dirigé vers la chambre à coucher, sachant, je crois, que je serais portée à le suivre, comme si c'était tout naturel.