The Setting Lake Sun (8 page)

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Authors: J. R. Leveillé

BOOK: The Setting Lake Sun
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There's the red tobiko, with sea-green armour and a yellow dome;
torigai
, with its roof in the style of Ronchamp; the canopy of the brilliant yellow
kazunoko
, ringed with metallic algae;
ikura
, that little geodesic structure with its cucumber buttresses.

And the textures, velvety, rubbery; substances that melt, or gently resist your bite; and the finishing touches, the colours, so lively,
sake, sake.

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Les enfants jouaient dans le parc. Il y avait beaucoup de cris aigus et de gaieté dans l'air. Autour, les gens se promenaient à pied ou à bicyclette.

Nous avons décidé de nous arrêter quelque temps. Il faisait si beau que les vendeurs ambulants se promenaient déjà. Nous avons acheté deux glaces et nous nous sommes assises sur un banc près de la petite forêt Assiniboine.

Le vendeur nous a demandé si nous étions sœurs.

— Nous sommes des jumelles, a-t-elle répondu, en riant presque aussitôt.

Il est demeuré un peu perplexe et je suis certaine qu'il ne nous a pas crues.

Certes, il y avait une ressemblance entre nous. Ma sœur était âgée d'un peu plus d'un an. Cependant nous n'avions pas le même père.

*

The park was full of people walking and cycling. Children were running in the playground. Happy cries and a joyful
feeling filled the air. The weather was so beautiful that the vendors were already out with their wagons. We bought ourselves ice cream and sat down on a bench near the Assiniboine Woods.

The vendor asked us if we were sisters.

“We're twins,” said my sister, barely getting it out before she burst out laughing.

He just looked puzzled, and I'm sure he didn't believe her.

There was certainly a strong resemblance. My sister was just over a year older than me. But we had different fathers.

65

— Pourquoi lui as-tu dit cela ? lui ai-je demandé.

— Je ne sais pas. J'en avais envie.

Elle a passé son bras autour de moi. Nous mangions nos glaces en regardant droit devant nous.

— On est bien copines, a-t-elle ajouté. Et puis on est sœurs.

— Oui, on est très liées. Toi surtout, tu rêves cons­tamment à mon sujet… des choses incroyables… qui se réalisent.

— Tu sais, je dois te raconter autre chose…

*

“Why did you tell him that?” I asked her.

“I don't know. I felt like it.”

She put her arm around me. We looked straight ahead of us as we ate our ice cream.

“We're good buddies,” she continued, “and what's more, we're sisters.”

“Strong bonds, for sure. Especially for you, since you're always dreaming about me. Incredible things... that come true.”

“Listen, I have something else to tell you...”

66

Nous sommes rentrées par les petits sentiers boisés qui longent la rivière Assiniboine. Tout était encore dénudé.

J'aime bien l'automne lorsque les couleurs tournent avec les saisons. Mais j'apprécie tout autant ce début de printemps au Manitoba. Ça reprend où l'automne a cessé, en plus nu. En plus désolé, pour moi, sans sentiment d'accablement. C'est comme s'il y avait une éclaircie dans les arbres. On voit plus. On voit plus loin. Les oiseaux de passage ne sont pas camouflés. Il y a une espèce de grand vide en attente. Une sorte de souffle qui commence. Toutes les couleurs sont plus ou moins uniformes. Il y a là un calme et une simplicité naturelle qui me plaisent infiniment. Tout le paysage est une dentelle, un pur lacis d'air et de lignes.

*

We returned home along the narrow tree-shaded trails that follow the Assiniboine River. The trees and bushes still had no leaves.

I'm very fond of fall, when the colours turn with the season. But I like the beginning of the Manitoba spring just as much. It takes up where the autumn left off, with everything stripped bare, at its loneliest, but to me without any sense of desolation. As if the trees have thinned out, so you can see more. You can see further. The migrant birds aren't camouflaged. There's a kind of huge emptiness waiting in suspense. The faint whisper of a breath about to begin. All the colours are more or less the same. There is a calm and natural simplicity that I find endlessly pleasing. The entire landscape seems made of lace, an elementary web of air and lines.

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Nous n'avons pas beaucoup parlé sur la route du retour. Nous avons roulé à la file indienne, les sentiers sont si étroits.

J'étais bien, un peu pensive. Ma sœur avait rêvé qu'elle était enceinte.

Je lui ai demandé comment ça s'arrangeait avec son ami.

— Bien.

— Tu lui en as parlé ?

— Non, j'ai rêvé cela il y a deux jours. Et je ne suis pas certaine encore. Puis il faudrait passer un test.

De fait, elle n'avait pas rêvé qu'elle était enceinte exactement. Plutôt, elle s'était vue en train de marcher avec un « papoose » qui ressemblait à une sculpture inuit qu'elle portait dans un sac à dos.

*

On the way home we rode single file because the trails were so narrow. We didn't talk much.

I felt good, a bit pensive. My sister had dreamt that she was pregnant.

I asked her how her boyfriend would feel about it.

“Fine.”

“Have you told him?”

“No. I had the dream two nights ago. And I'm not sure yet. I still have to take the test.”

In fact her dream didn't exactly say that she was pregnant. She had rather seen herself walking along carrying a papoose that looked like an Inuit sculpture in a backpack.

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Je dois dire qu'au cours des jours suivants, je n'ai plus trop pensé à ma sœur.

Quand je me rendais au travail, les matins étaient merveilleux, le ciel d'un bleu plus profond que d'habitude. L'air était bon et léger. Je paraissais peut-être insouciante, j'étais au contraire très nerveuse, excitée. Je n'avais plus qu'une pensée en tête, et je n'osais pas m'avouer son intensité : me rendre vendredi après-midi chez Rinella voir travailler Ueno Takami.

*

I have to admit that over the next few days I didn't think
about my sister very much.

On the days I was working the mornings were glorious, with the sky a darker shade of blue than usual. The air was sweet and clean. I may have seemed carefree, but I was just the opposite—very nervous, excited. I had only one idea in my head and I didn't dare admit to myself how compelling it was: to go to Rinella's Friday afternoon and watch Ueno Takami at work.

69

Au travail, ma patronne m'a trouvée un peu distraite. Je créais des arrangements floraux vraiment singuliers, ce qui en soi n'est pas un mal. Trop originaux toutefois pour un hôpital où la règle est le gros bouquet.

Ces jours-là, j'inventais des combinaisons différentes, différentes pour moi. Ma patronne, Mrs. Lydia, était agréablement surprise, les trouvait intéressantes quoiqu'elles ne plaisaient pas toutes aux clients, et il fallait recommencer.

*

At my own work my boss found me somewhat absent-minded. I was creating some truly original floral arrangements, which in itself was not a bad thing. Still, they were a little too original for a hospital, where the standard order is for a large bouquet.

I was inventing new and different combinations, at least new for me. My boss, Mrs. Lydia, was pleasantly surprised and found them interesting, even if the customers didn't and I had to start over.

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J'étais moi-même étonnée de ce que je faisais. Non pas que je n'avais jamais été tentée par l'inusité, mais je me dépassais.

Je n'en étais pas consciente jusqu'à ce que Mrs. Lydia attire mon attention sur l'assemblage que je venais de concocter. J'ai regardé le bouquet. Je le trouvais beau. Un peu incongru peut-être. J'ai regardé Mrs. Lydia et nous nous sommes mises à rire.

Aujourd'hui, je me souviens d'une phrase qu'Ueno Takami m'a dite : Il faut travailler inconsciemment.

*

I surprised myself with what I was producing. It wasn't that I'd never tried anything unusual before, but I was surpassing myself.

I wasn't even aware of it until Mrs. Lydia called my attention to the arrangement I had just assembled. I took a look at the bouquet; perhaps it was a little incongruous, but I found it attractive. I looked at Mrs. Lydia and we both started to laugh.

Ueno Takami once told me: You must work unconsciously. I didn't even realize it at the time, but that's what I was doing.

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J'avais obtenu cet emploi auprès de la fleuriste du Centre des Sciences de la Santé, grâce à ma mère qui connaissait bien Mrs. Lydia. Ma mère avait travaillé à l'hôpital depuis son adolescence, longtemps à la blanchisserie. Aujourd'hui, elle supervisait le travail des autres employés de soutien.

Mes quarts de travail étaient très variés; le vendredi, j'étais presque toujours libre.

Quand j'ai eu cet emploi, deux choses m'ont plu. D'abord Mrs. Lydia, car elle portait le nom d'une rue avoisinante. Et puis il me plaisait de travailler avec la nature à l'intérieur de cet édifice si clinique.

*

I'd been given this job at the florist's shop of the Health Sciences Centre thanks to my mother, who was a good friend of Mrs. Lydia. My mother had worked at the hospital since she was a teenager, for a long time in the laundry. Now she supervised the work of other support staff.

When I took this job there were two things I liked about it. The first was Mrs. Lydia, since she had the name of a nearby street. And it gave me satisfaction to be working with natural things inside that very sterile building.

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Ma mère me racontait que lorsqu'elle était jeune fille, ce secteur du quartier formait un grand parc boisé avec des sentiers pour les piétons et de grands espaces verts pour le jeu. Petit à petit, le béton a empiété sur la verdure.

Dans l'assemblage amibien de l'hôpital, j'aimais bien la récente aile psychiatrique, véritable bouffée d'air frais, pleine de lumière et de jardins intérieurs. J'y allais souvent prendre le lunch, parfois avec ma mère. C'est comme si une partie de l'ancien parc avait été conservée là. Et puis, je pouvais m'entretenir avec les patients !

*

My mother told me that when she was a little girl, that corner of the neighbourhood had been a large wooded park with trails to walk along and great open green spaces for games. Little by little, concrete overtook the grass.

In the amoebic outgrowth of the hospital I most liked the recently constructed psychiatric wing, which was very refreshing, full of light and indoor gardens. I often went there to eat my lunch, sometimes with my mother. It was as if a part of the former park had been preserved there. And I got to talk with the patients.

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Je ne sais pas comment s'est passée la semaine. Lorsque Mrs. Lydia m'a demandé si je pouvais faire de la suppléance vendredi après-midi, j'ai dû faire un air si piteux qu'elle a tout simplement ajouté :

— Bon, bien, je demanderai à Karen.

Pour m'expliquer, j'ai dit :

— J'ai un rendez-vous important.

— Je comprends,
my
dear
. D'ailleurs, tu as travaillé de longues heures cette semaine, souvent sans trop de succès.

Nous avons ri.

— Je veux dire… as-tu vu les regards des clients lorsque tu leur as proposé un oiseau de paradis avec des pousses de saule, ou…

Je riais si fort qu'elle n'a pas continué. Elle s'amusait bien.

— On aurait dit que tu descendais d'une autre planète. As-tu suivi des cours d'
ikebana ?

— Non…

— Tu as réussi à vendre un bonsaï.

— La convalescence allait être longue.

*

I don't know how I got through that week. I had quite a varied work schedule, but on Friday I was almost always free. When Mrs. Lydia asked me if I could fill in on Friday afternoon, I must have looked so pitiful that she simply said, “It's okay. I'll ask Karen.”

Feeling I owed her some kind of explanation, I said, “It's just that I have a very important appointment.”

“I understand, dear. In any case, you've worked long hours this week, often without much to show for it.”

We both laughed at that.

“I mean, did you see the looks on the customers' faces when you suggested putting a bird of paradise together with willow branches, or...”

I laughed so hard she didn't go on. She was having a good time.

“You'd think you'd just arrived from another planet. Have you been taking courses in
ikebana
?”

“No...”

“You even managed to sell a bonsai!”

“It was going to be a very long convalescence.”

And we both started laughing again.

74

J'ose à peine dire ce que j'ai fait ce soir-là. Rien d'inavouable, mais ça me ressemblait si peu.

J'ai pris un long bain. J'ai essayé divers maquillages. Toutes sortes de toilettes. Je me regardais dans le miroir comme jamais auparavant. Habillée ou nue. Même quand j'ai commencé à sortir avec Aron, je n'ai pas été coquette à ce point. Ce n'est pas mon genre. J'aime bien paraître, avoir un look, mais j'ai un côté laisser-aller qui m'empêche de trop soigner mon apparence.

J'ai fini par choisir un ensemble.

Le lendemain, j'ai fait tout le contraire. J'ai mis des baskets, des collants et une petite robe noire, courte. À la mode, en somme, mais négligée.

*

I hardly dare say what I did that evening. It wasn't anything unspeakable, but it was uncharacteristic for me.

I took a long bath. I tried on different kinds of make-up, all kinds of outfits. I studied myself in the mirror as
never before, dressed or naked. Even when I had started to go out with Aron, I hadn't been so vainly self-conscious. It just wasn't me. I like to look good and to dress with style, but I have an easy-going side to my nature that keeps me from caring too much about my appearance.

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